Stacy

Paraître. Faire attention. Ne surtout pas risquer de choquer. Avoir peur des interprétations des autres. Se demander comment ils vont percevoir telle ou telle réaction. Il ne faudrait surtout pas que cela fasse germer des idées fausses, qui pourraient casser, abîmer ou construire sur un malentendu. Et lorsqu'il s'agit de vaines idées, de pulsions refoulées, de fantasmes inavoués, c'est encore pire. Les gens sont experts pour te dire ce qu'il y a au fond de toi et surtout pour voir avec leurs petits prismes ce que ta manière d'être exprimerait. GIPI se lâche dans « Stacy ». Il donne la parole à un double diabolique qui assume ses envies de violence. Représentée par Stacy, il y met tout ce qu'il déteste : l'obligation de la normalité, l'injonction à émouvoir plutôt qu'à choquer, le diktat des réseaux où la popularité prime sur les contenus. Pour rester parmi ceux qui comptent. Pour ne pas être exclu de sa sphère, il se met en scène, en quête de réhabilitation après des propos malheureux. Il doit redevenir fréquentable, pour continuer à travailler, à exister. Mais sa part violente s'en moque et le pousse à tout faire exploser. Cette fois, il ne nous emmène pas dans les bas-fonds de la violence sociale des plus démunis, mais dans celle du cercle des sachants et décideurs, ceux qui peuvent déterminer ton avenir juste en prenant position. La nausée et la schizophrénie qu'elle génère. Il s'amuse à nous perdre, comme toujours, puisque lui et son démon ne font bientôt plus qu'un. Il alterne les planches de strip avec celles de script, son trait rapide et abrupt au service de cette violence qui règne… comme toujours. C'est spécial, et il me faudra sûrement plusieurs lectures pour tout assimiler. Jouissif. Au final, sommes-nous esclaves des attentes des autres ou de nos propres démons ? Cela dépend des périodes de vie et de ce qui nous a construits. Ce qui est sûr, c'est qu'il est tentant d'envoyer tout chier parfois pour échapper à l'injonction et au reproche.