Adultère

Jean Seghers, personnage principal de ce (trop) court roman, est à une période de sa vie où, franchement, tout s’acharne contre lui. La station service qu’il tient avec son épouse, Remedios, est en passe d’être liquidée. Ousmane, son veilleur de nuit, le harcèle pour toucher ses indemnités de licenciement et cerise sur le gâteau, le président du tribunal de commerce pourrait bien être l’amant de Remedios, c’est tout du moins ce que craint Jean. Alors trop, c’est trop... du coup, aux grands maux, les grands moyens. Et là, Jean, il ne fait pas dans la dentelle, croyez-moi. Un brin de thriller, un soupçon d’humour noir, je n’ai fait qu’une bouchée de « Adultère » d’Yves Ravey. Un vrai bon moment !

De concision, d’économie de mots pour décrire des personnages, certains très drôles, aux motivations complexes. On dévore ce polar qui nous laisse sonnés devant une remarquable fin ouverte.

C'est court, c'est précis, c'est bien écrit - Ravey sait y faire... Pas besoin d'en faire plus : tout est là, dans ces quelques pages qu'on ne lâche pas, dans la fulgurance dont cet auteur sait toujours faire preuve, dans son art assez particulier, basé sur la concision. Un modèle du genre : à lire !

Une écriture qui va à l’essentiel, un univers décrit avec peu de mots, des séquences qui parsèment le récit et qui font avancer l’intrigue à grande vitesse. Une fin qu’on relit plusieurs fois pour être certaine d’avoir compris. Conquise par cette écriture si singulière.

Yves Ravey fourbit un polar minimaliste et haletant autour de la faillite d’une entreprise familiale On entre dans un livre d’Yves Ravey comme dans un film de Chabrol : on connaît le procédé, les obsessions ; on traque les variantes et les nuances. On sait qu’on risque de croiser un notaire ou un huissier, qu’on va errer devant un dancing ou une carrosserie, que le Jura ou les Vosges ressembleront un peu au Colorado, avec des types louches et des femmes fatales. On devine qu’il y aura un mort dans l’histoire - et même avec toutes les preuves sous les yeux, on finira par tomber dans le panneau. Telle est la marque de fabrique de l’auteur : le polar minimaliste, impeccable de concision et de densité. Un coup monté par la langue pour nous étourdir sans esbroufe, avec une écriture aussi limpide que le fond est brumeux. Comme dans son précédent roman, il est question d’adultère. Le titre révèle d’emblée le mobile du crime. Reste à savoir qui commettra quoi et comment : et c’est là le talent d’Yves Ravey d’essaimer les indices au compte-gouttes, avec narrateur qui ne raconte que des demi-vérités, éborgnants son lecteur qui cherche à appréhender le reste dans les blancs et les creux. Fulgurant Propriétaire d’une station-service collée à la nationale, Jean Seghers dépose le bilan. Le président du tribunal de commerce lui propose de racheter l’affaire. Le mécanicien-veilleur de nuit réclame ses indemnités. Bientôt la station-service part en fumée. Or, comme le dit Jean, “les histoires d’incendie, c’est plus compliqué qu’on ne l’imagine, c’est dans le tête des gens que ça se passe, parfois, suffit d’un détail pour provoquer l’étincelle.” Souvent, chez Ravey, les indices (tout comme l’humour) se nichent dans les noms. La mère du narrateur s’appelle Dolorès. Sa femme, Remedios (sachant que remèdes et poison vont souvent de pair). On rencontre aussi une clairvoyante experte en assurances, Brigitte Hunter - comme Rick Hunter, l’inspecteur catholique des années 1990 - à qui l’on doit de boucler cette vaste enquête en 140 pages fulgurantes, écrites au cordeau.