La carte et le territoire

Je déteste cette France qui sclérose et meurt d’être un musée, je déteste les personnages banalement horripilants de Houellebecq et je déteste encore plus l’hubris d’un auteur qui se met en scène dans son propre ouvrage. Bref, encore un ... excellent roman.

« La carte est plus intéressante que le territoire ». C’est ce que dit la première exposition de Jed Martin, le héros de ce roman de Michel Houellebecq. Et tout porte à croire que cet adage est devenu la principale philosophie de vie de cet artiste solitaire, taiseux et relativement inadapté. Il parcourt la vie à travers son art, sans voir, semble-t-il, la contradiction entre sa solitude presque délibérée et sa volonté de « montrer le monde tel qu’il est ». Mais que montre-t-il au final ? La carte ou le territoire ? Le monde dépeint par l’artiste est-il simplement la représentation qu’il s’en fait ? Houellebecq joue avec le lecteur pendant toutes les parties de ce roman impeccablement maîtrisé. On le suit, parce que l’écriture est belle, sans réellement savoir où l’on va, et la troisième partie du roman, avec ses airs de polar, est une surprise supplémentaire. La mise en abime de Michel Houellebecq lui-même est une matière supplémentaire à réflexion. Est-ce une présentation ou une représentation ? C’est une des questions irrésolues de ce roman, qui a travers le portrait relativement banal d’un homme qui traverse son temps sans vraiment le comprendre, ouvre autant de portes et soulève autant de sujets qu’il y aura de lecteurs.

De l'audace... encore de l'audace.. toujours de l'audace

Un roman haletant sur la vie de l’artiste Jed Martin, un homme différent et solitaire, qui n’adhère pas au monde mais y appartient et voit malgré lui les questions existentielles qui le torturent. Un livre dont on tourne les pages avec passion. Des échos à L’étranger de Camus. Orphelin par sa mère qui s’est suicidée pour une raison inconnue, Jed est élevé par son père qui ne pense qu’à travailler. Timide avec les femmes, ses relations sont limitées et souvent avec des prostituées, jusqu’au jour où Olga, une magnifique russe que tout le monde admire tombe éperdument amoureuse de lui, pour une raison qui lui échappe. Il vient de réaliser des photographies de cartes Michelin. Il passe à côté de cet amour, trop timide et peu conscient. Leurs vies professionnelles s’épanouissent (pour Jed avec l’aide de professionnels de la presse qui savent orchestrer le succès : c’est Olga qui le met sur la voie: il lui doit sa réussite en quelques sortes) mais le temps a passé et leur amour est dès lors impossible. Le très populaire Jed Martin fait le tableau de Houellebecq et s’éprend d’amitié pour celui-ci, pourtant décrit comme un déchet dépressif. Peut être qu’ils se ressemblent. Houellebecq meurt à cause du portrait que Jed a fait de lui. Un cadeau empoisonné recherché par des bandits d’art. Un mystère pour la police que Jed parvient à démêler sans le vouloir. Jed meurt après s’être enfermé dans la maison qu’il a hérité de son père dans la Creuse après avoir passé les 10 dernières années de sa vie à filmer des végétaux. Le triomphe du règne végétal face à la décomposition des hommes.

Ce roman est tout simplement génial. Nous y suivons sur quelques décennies la vie de Jed, artiste millionaire. Pour une fois, le roman de Houellebecq n'est pas vraiment trash ni pornographique, cela change de d'habitude ce qui est surprenant. J'aime beaucoup l'histoire même si l'avenir de la France présenté dedans n'est sûrement pas souhaitable, du moins sur nombres d'aspects. Bref, un très bon roman, assez différent de d'habitude.