À rebours

Un livre incroyable ! Très instructif ! Ce n'est pas véritablement un roman, il ne se passe pas grand chose. Nous sommes plongés dans les pensées d'un homme solitaire érudit et excentrique qui nous fait la liste de ses goûts et se dégoûts avec brio. La description du tableau de Gustave Moreau notamment est sublime !

Rarement, un livre ne m’a paru aussi limpide dans le sentiment de décadence, de désenchantement d’une époque qu’il évoque, tout en étant à fois lourd dans son érudition. La quatrième de couverture évoque le Bardamu de Céline, mais là où l’alias du reclus de Meudon pouvait montrer une forme de bienveillance à l’égard des hommes de son temps qu’il critique, chez le « Des Esseintes » de Joris-Karl Huysmans, il n’y a pas de place pour l’apitoiement sur des êtres et une époque qu’il rejette jusqu’à la nausée. Préférant la réclusion dans sa maison de Fontenay-aux-Roses, entouré de ses livres, de ses tableaux et reproduisant dans la décoration intérieure une nature factice. Avec pour seule compagnie, celle de deux vieux domestiques au parlé monosyllabique, renforçant l’aspect monacal de sa retraite à la campagne. Tout au long du livre, Des Esseintes fait part de son érudition dans des domaines aussi variés que la littérature, l’alcool, la peinture (la description du tableau « La Salomé » de Gustave Moreau est à ce titre formidable.), la poésie, la musique… Il n’hésite pas à écorner certains colosses solidement établis tels que Balzac, Hugo, Zola (le mouvement naturaliste dont Huysmans se réclamait pourtant au départ et dont il s’est éloigné par la suite). « À Rebours », regorge de références et d’un vocabulaire désuet qui risque de perdre bon nombre de lecteurs. Par contre, il est difficile de ne pas s’amuser de l’esprit, parfois retors, de Des Esseintes dans ses tentatives d’échapper aux lourdeurs de son temps. Une œuvre, qui, à la relecture doit revêtir un nouvel intérêt, pour peu que le lecteur se penche sur les nombreuses références qu’elle recèle.

Il n’y a visiblement pas d’époque pour être désenchanté et rejeter en bloc la société des hommes et ses valeurs. Pourtant le refus et la négation de toute chose ne semblent mener qu’à la névrose puis au néant.

Pourriture, putréfaction, dépérissement : physique - psychologique - moral. L'ennui, les livres, les peintures, la recherche de la nouveauté (ça n'est pas pour rien que des Esseintes ne jure que par Baudelaire et Mallarmé). Ressasser ce qui a créé de l'émotion, ressasser jusqu'à l'épuisement et la nausée. La fascination exercée par le personnage est malheureusement contrebalancée par le style lourd, écrasant de Huysmans.

C'était long... Très long...