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Résumé
Les Onze Les voilà, encore une fois : Billaud, Carnot, Prieur, Prieur, Couthon, Robespierre, Collot, Barère, Lindet, Saint-Just, Saint-André. Nous connaissons tous le célèbre tableau des Onze où est représenté le Comité de salut public qui, en 1794, instaura le gouvernement révolutionnaire de l'an II et la politique dite de Terreur. Mais qui fut le commanditaire de cette oeuvre ? À quelles conditions et à quelles fins fut-elle peinte par François-Élie Corentin, le « Tiepolo de la Terreur » ? Mêlant histoire et fiction, Michon fait apparaître, avec la puissance d'évocation qu'on lui connaît, les personnages de cette « cène révolutionnaire », selon l'expression de Michelet qui, à son tour, devient l'un des protagonistes du drame.
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2 avis sur ce livre
- Ставка- 19/02/2021La petite histoire de la révolutionDans le style inimitable de Pierre Michon on se plonge dans le tableau des Onze, onze esprits de la révolution et onze ennemis luttant pour une suprématie. Canaux de la Seine creusés par les noirs limousins, vanités bourgeoise déçue, âme d'artiste corrompue, tout est présent dans ce court texte plein de sens.10
- Ricobooks- 28/11/2020Michon, toujours aussi génialUn roman court ( 130 pages ), absolument splendide - ce mot-là est bien trop faible, qui ne rend pas compte de l’importance de ce qui vient d’être lu. Un texte essentiel pour qui s’intéresse à la littérature : Michon, page après page, semble nous réapprendre à lire. 1794, on commande un tableau : "Il fut commandé dans les deux mois précédant ventôse, en nivôse an II, le 15 ou le 16 nivôse, soit autour du 5 janvier 1794, vers la ci-devant Épiphanie, jour des Rois." La Terreur est partout, qui tranche à l'encolure. François-Élie Corentin, grand peintre de cette époque, devra croquer Billaud, Carnot, Prieur, Prieur encore, Couthon, Robespierre, Collot, Barère, Lindet, Saint-Just, Saint-André, ceux-là composant le Grand Comité de l'an II, le Comité de Salut Public : ce gouvernement-là. Au fil de son roman, Michon livre, très habilement, une réflexion sur l'art, la politique, sur la manière dont on refait l'Histoire. Et, sans jamais verser dans la morale absurde de “celui qui saurait”, sur les leçons qu’il nous faudrait en tirer, que nous ne tirons pas : "Bien sûr, mais c'est une autre histoire, Michelet déteste ce tableau autant qu'il l'admire, parce que c'est une cène truquée, et non pas truquée par l'absence du Christ, dont il se souciait peu et même qui l'enchantait - non, truquée parce que l'âme collective qu'on y voit, ce n'est pas le Peuple, l'âme ineffable de 1789, c'est le retour du tyran global qui se donne pour le peuple. Pas onze apôtres, onze papes." C'est une cène, qui sera peinte, pour rendre compte de cette mythologie, une cène sans Christ puisque Dieu est mort et que cela, au moins et heureusement sans doute, c'est chose définitive - parfois, pourtant, Dio cane, Diàu ei ùn tchi, Dieu est un chien qui vous empêche ou vous torture et permet la pulsion, double de la folie : nous sommes cet animal mené par l'envie et le besoin. Peut-être par la peur. Le cynisme est sadien et autorise tout, mais la mélancolie est là qui s'installe bientôt quand le désir s'affaisse et ces temps-là sont raides, fiers mais sauvages, qui mènent à l'impuissance si l'on n'y prend garde - puisqu'il faut tout écrire et parce que le temps presse, l'Histoire ne prend jamais la pause et il faut tout créer, inventer un réel quand on vient à peine de passer sous la lame celui des rois, des tyrans de jadis mais ce n'était qu'hier alors il faut faire vite et parfois se tromper, écrire la Liberté, l'Égalité surtout, la Fraternité un peu mais pour ça, on verra un peu plus tard, ou on ne verra peut-être jamais puisqu'on ne peut pas tout réussir et qu'un pouvoir, finalement, ne tarde pas à s'instaurer, qui remplace le précédent pour le meilleur et pour le pire. Et nous jouissons à notre tour de marcher dans ces couloirs-là qui sont ceux de l’Histoire, et de lever la tête vers ce tableau qui, s’il n’existe pas vraiment, n’en est pas moins fou : “C’est que nous sommes des hommes, Monsieur ; et que les hommes du haut en bas, les lettrés et les gueux, aiment passionnément l’Histoire, c’est-à-dire les terreurs, les massacres ; ils accourent de très loin pour les contempler, terreurs et massacres, ils accourent sous le couvert de déplorer les massacres, de les réparer même, disent-ils, les bonnes créatures - et voilà pourquoi, Monsieur, nous sommes ici, avec les foules de toute la terre, devant la très énigmatique muraille de onze hommes sur quoi l’Histoire s’est juchée. Voilà pourquoi les foules de toute la terre passent en flèche et sans la voir devant La Joconde, qui n’est qu’une femme rêvant, devant La Bataille d’Uccello qui est pourtant à sa manière L’Histoire en personne et un des précédents indubitables des Onze, devant le spectre rouge du cardinal-duc peint par Champaigne, devant trente-six fois Louis le Grand sous sa perruque de monstre, et se plantent là, devant la vitre à l’épreuve des balles.” Michon est un orfèvre, un manieur de langue qui n'a pas d'équivalent, il prend toute la folie d'un temps qui n'est pas si révolu dans sa paume, la malaxe, l'étourdit et la réveille en un nouvel agencement des mots, des phrases longues et agiles, de son verbe inouï qui ne craint pas l'excès alors je dis chapeau - et bien bas le chapeau parce qu'il faut réussir à écrire comme cela, parce qu'il faut oser écrire comme cela aujourd'hui, au XXIème siècle débutant dans la sécheresse presque infinie d'une langue qui n'ose plus se montrer, parce qu'il faut vouloir écrire de cette manière-là au temps de la pseudo-honnêteté, de ces mots qui ne sortent plus parce que certains ne sont plus vraiment capables de les faire sortir et que d'autres les gardent cachés, les musèlent pour que "la langue n'interfère pas" puisqu'il faudrait être pauvre et sec et que la langue, justement, est devenue suspecte ; parce qu'il faut finir par écrire cela sous cette forme-là et le rendre si beau, si précis, si rythmé alors je dis chapeau, oui chapeau bas parce que c'est tout simplement splendide, complexe et splendide, dément et splendide : "L'enfant était belle comme le jour, ainsi disait-on dans ces époques, la peau d'albâtre, la joue de vermeil, l'oeil d'iris, le cheveu d'or, le lys et les roses - lisez les textes de ce temps, elles sont toutes ainsi. Cette fille comme sortie des pages de Casanova ou de Sade, et de Bernardin ou Jean-Jacques aussi bien, grandit et fut élevée par la fille frileuse qui était une jeune veuve apeurée ; et la fille frileuse qui n'avait pas d'autre enfant, pas d'autre horizon ni d'autre objet, qui en dépit des sacs d'écus du vieillard était une pauvresse qui ne pouvait dire sienne en ce monde qu'une petite fille, la veuve frileuse l'éleva comme vous pouvez le penser : elle l'éleva comme si elle était vraiment d'albâtre, ou plutôt de porcelaine, comme si elle avait vraiment la fragilité et la caducité des roses ; mais comme si aussi elle était la reine de ce monde, comme si de cette royauté sa caducité était garante, comme une princesse ; et s'apeurant sans mesure, la mère, de ce qu'une princesse nécessairement à l'âge où le corsage s'emplit doit trouver un fuseau où se piquer la main à en mourir." J’avais, il y a presque trente ans, beaucoup aimé le Michon de “Rimbaud le fils”. Je ne l’avais pas lu depuis. J’avais ouvert d’autres parenthèses, j’étais dans d’autres lieux. Mais je reviens vers lui et le redécouvre dans toute la beauté de sa littérature. Il est immense, il est à l’extrême-coeur de ce que l’on saurait nommer “l’Écriture”. L’homme est poète autant que magicien, possiblement sorcier. Sur son travail, Michon dit : "Je voudrais que, le livre une fois refermé, l'épure de ce récit minimal soit claire au lecteur, strictement évidente et longuement résonnante comme le sont les rimes d'un sonnet. Cette joie de la totalité embrassée et comprise est évidemment inaccessible au lecteur de roman, dont la lecture entrecoupée a pu durer une semaine, et à qui ne reste, le livre fini, qu'une tonalité générale, un feeling : une vague frustration accompagne cette trop grande liberté de lecture. Pour parler franc : le récit bref permet de tenir en main le lecteur, de lui interdire la lecture plurielle, de lui ôter sa liberté et de le charmer au sens fort." L’on pourrait certes dire de Michon qu’il est avant tout un genre de styliste, un manieur très expert des mots qui font des pages - mais le style pour le style n’est rien et Michon réfute cette approche. Cela sera difficile à comprendre pour beaucoup qui, moins agiles dans leur lecture, voient dans la phrase “excessive” ou complexe un trop-plein d’écriture quand il faut y voir le contraire, et même l’absolu contraire : il s’agit d’aller au plus proche de la matière, j’entends par là de la plus grande simplicité de la matière, vers l’atome - et pour l’atteindre il faut des mots, il faut des bascules, du rythme, il faut fouiller dans la langue et déballer tout ce qui se cache dans ce coffre-là, fouiller et déballer voilà, aller pas à pas vers ce que l’on veut montrer, et la phrase longue ou le verbe brumeux, parfois, permettent cette “archéologie”, la langue ciselée, toute la musique que l’écrivain seul parvient à jouer et qui autorise le dévoilement, l’extraction de l’objet minimal mais essentiel.10
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