Pierre- 08/02/2023

Décadence et érudition !

Rarement, un livre ne m’a paru aussi limpide dans le sentiment de décadence, de désenchantement d’une époque qu’il évoque, tout en étant à fois lourd dans son érudition. La quatrième de couverture évoque le Bardamu de Céline, mais là où l’alias du reclus de Meudon pouvait montrer une forme de bienveillance à l’égard des hommes de son temps qu’il critique, chez le « Des Esseintes » de Joris-Karl Huysmans, il n’y a pas de place pour l’apitoiement sur des êtres et une époque qu’il rejette jusqu’à la nausée. Préférant la réclusion dans sa maison de Fontenay-aux-Roses, entouré de ses livres, de ses tableaux et reproduisant dans la décoration intérieure une nature factice. Avec pour seule compagnie, celle de deux vieux domestiques au parlé monosyllabique, renforçant l’aspect monacal de sa retraite à la campagne. Tout au long du livre, Des Esseintes fait part de son érudition dans des domaines aussi variés que la littérature, l’alcool, la peinture (la description du tableau « La Salomé » de Gustave Moreau est à ce titre formidable.), la poésie, la musique… Il n’hésite pas à écorner certains colosses solidement établis tels que Balzac, Hugo, Zola (le mouvement naturaliste dont Huysmans se réclamait pourtant au départ et dont il s’est éloigné par la suite). « À Rebours », regorge de références et d’un vocabulaire désuet qui risque de perdre bon nombre de lecteurs. Par contre, il est difficile de ne pas s’amuser de l’esprit, parfois retors, de Des Esseintes dans ses tentatives d’échapper aux lourdeurs de son temps. Une œuvre, qui, à la relecture doit revêtir un nouvel intérêt, pour peu que le lecteur se penche sur les nombreuses références qu’elle recèle.