Sa Majesté des mouches

On pourrait croire que le pouvoir est une prétention d'adultes, guidée par les acquis du déterminisme social. Que pour le désirer, il faudrait n'être motivé que par la compétition individuelle, pour décider et imposer sa vision au collectif. Mais qu'en est-il des enfants, surtout si on les laisse isolés, livrés à eux-mêmes ? Si la survie réveille nos instincts bestiaux et individualistes, notre seul instinct animal ne suffit pas à expliquer cette course implacable. Dans cette sublime adaptation de Sa Majesté des Mouches, on identifie vite deux groupes : ceux qui suivent (la majorité) et ceux qui cherchent à guider. Les plus jeunes semblent incapables d'initiatives et se contentent de satisfaire leurs besoins primaires. Une compétition pour la survie s'engage entre deux visions antagonistes. L’un rêve de retrouver une vie normale en espérant être sauvé, tandis que l'autre tente de survivre par la force et un collectif fondé sur la peur. Très vite, ils se réfugient derrière leurs réflexes sociaux, élisant un chef et décidant de règles communes. Tous les travers de nos sociétés réapparaissent : exploitation de la peur, humiliation des faibles, méfiance envers l'intelligence, et loi du plus fort. Cette violence mène à la destruction du collectif et à une dérive anarchique. L'absence de règles entraîne l'anéantissement, tout comme le culte du pouvoir dans nos systèmes. C’est grandiose sur le plan graphique, entre émerveillement et enfer, à l’image de cette longue déchéance sociale que retranscrit habilement Aimée De Jongh. Alors, la perte de l'innocence mène-t-elle forcément aux plus vils instincts humains ? Quand on voit la compétition qui guide l’éducation dès le plus jeune âge, on se dit qu'il est temps de changer pour éviter le chaos (écologique notamment). Ce n'est pas comme si on ne savait pas. Mais cela ne doit pas être assez lucratif pour tout changer..

Une adaptation réussie haut la main de ce roman qui m'a profondément marquée adolescente. Un avion se crashe sur une île déserte. Seuls survivants, des enfants et adolescents qui vont devoir organiser leur survie. Certains choisissent de faire du feu leur priorité pour pouvoir être vu et secouru, quand d'autres veulent surtout chasser. Les plus jeunes passent du bon temps sur la plage. Mais au fil du temps, les tensions apparaissent, un monstre fait faire des cauchemars, et la violence prend le pas sur la bonne organisation de départ. Un album percutant malgré la naïveté et les couleurs du dessin. Un contraste entre le monde de l'enfance et la dureté du monde adulte qui laisse pantois.