Le chat, le général et la corneille

MON coup de cœur de l'année ! Une fresque sociale et politique qui s'étend sur 20 ans. Un évènement tragique de la première guerre de Tchétchénie va lier à vie, ces trois personnages qui ne se connaissent pas. BOULEVERSANT !

Décembre 1994, la guerre de Tchétchénie bat son plein. Et comme dans chaque guerre, la peur s’installe, l’asservissement commence et les femmes, quant à elles, sont usées et utilisées, dans le but d’humilier et de répandre la terreur. Parmi tous les soldats, il y a Malisch, jeune homme épris de littérature qui s’est enrôlé par dépit amoureux. Deux décennies plus tard, en 2016, une jeune comédienne surnommée « le chat » est approchée par un journaliste allemand, « la Corneille », qui lui propose une mission aussi énigmatique, que tentante. « La Corneille », quant à lui, est obsédé par un certain oligarque russe appelé Alexander Orlov - que tout le monde appelle « le Général » - et les exactions dont il s’est rendu coupable durant la guerre de Tchétchénie. Soudain, ces trois êtres que tout oppose et dont les mondes n’auraient jamais dû se télescoper, se retrouvent propulsés au cœur d’une histoire qui, rapidement, les dépasse tous, qu’ils le veuillent ou non. Et alors que le piège se referme doucement, c’est toute l’horreur, les dégâts et les conséquences à long terme de la guerre que l’auteure brandit comme un étendard. En filigrane, Nino Haratischwili dresse le portrait d’une Russie en plein bouleversements, suite à la chute des régimes communistes, puis de l’URSS et combien les cicatrices sont encore à vif, plus de vingt ans après. La fin du roman, incroyable cliffhanger et véritable point culminant de cette œuvre, transforme cette histoire romanesque en un ex-voto contre la guerre, doté d’un sens de la dramaturgie incroyable. La plume maitrisée de Nino Haratischwili est à ne pas manquer… et le nom de l’auteure à ne pas oublier. Traduit de l’allemand par Rose Labourie.

Marrant ce titre. Une fable ? Et non, loin de là, ici ça parle de la guerre de Tchétchénie, de ses conséquences sur l'homme, du poids du passé et de la culpabilité. Un sujet assez dur. 
Le livre commence en 1994 avec Nura, une jeune adolescente rebelle qui rêve de partir de "l'aoul" /village fortifié tchétchène, la guerre arrive avec son lot de désillusion. On apprendra qu'elle aura été violée et tuée en 1995 par des soldats russes. Mais qui l'a tuée, que s'est-il passé ? Il faudra aller jusqu'au bout pour le savoir. Ensuite, on navigue entre 1995 et 2016 avec l'histoire de plusieurs personnages. Malich, fils d’un héros de guerre à l'esprit romantique qui ne voulait pas finir comme son père mais qui va suivre malgré lui le même chemin. Le général, un oligarque, qui veut protéger sa fille à tout prix mais de qui ? La corneille, un journaliste allemand, auteur d’un livre sur des oligarques, il est d'ailleurs menacé par le général qui le juge coupable du suicide de sa fille dont il était l’amant. 
Et enfin Chat, une jeune comédienne, portait craché de Nura, qui se voit proposer un rôle dans un film par le général. C'est plein de mystères et de rebondissements, on y voit les ravages de la guerre, la recherche d'une rédemption. La guerre est injuste, au final tout le monde souffre et tout ça pour quoi… pour qui ? Les erreurs du passé se répètent inlassablement encore aujourd'hui. 
Les femmes ont toujours une place importante dans les livres de Nino Haratschwili, elles sont marquantes, courageuses de génération en génération. J'ai été complètement happée par cette histoire, j'avais eu un énoooorme coup de cœur pour La huitième vie, j’ai pris beaucoup de plaisir à retrouver cette plume. Le fait que l'auteure ce soit inspirée de l'affaire Elza Koungaïeva rend ce livre encore plus puissant. On a le suspens d'un thriller mélangé à l'histoire tragique de toute ces familles qui doivent se reconstruire après la guerre.

Ce gros gros roman de 600 pages nous emmène à la suite de plusieurs personnages à la fois en Tchétchénie, mais aussi en Géorgie, à Marrakech, à Berlin… C’est une saga aux personnages hyper romanesques avec une intrigue bien ficelée doublée d’une fresque historique. On ne le lache pas !

D'accord, il faut bien l'admettre, la barre était haute. Après la lecture de "la huitième vie" de cette auteure - roman que j'ai qualifié d'exploit- j'attendais beaucoup de ce livre. Trop certainement. Certes, ici la plume demeure assurée, maîtrisée, dense, loquace ... peut-être un peu trop. Certains passages auraient mérités des raccourcis avec moins d'étayages. Quoi qu'il en soit nous avons là un roman solide! Loin d'être un fable, nous sommes projetés dans une tragédie complexe aux quêtes nombreuses. A lire.