Lecoindesmots- 17/10/2022

Mon Goncourt 2022 ! ♥️

Comment parler de ce mastodonte de la rentrée littéraire ? Voilà bien la question que je me pose depuis quelques semaines. Il faut dire que mettre des mots sur ceux de Grégoire Bouillier n’est pas chose aisée. Dans ce roman-fleuve truffé de références multiples et variées au cinéma, à la littérature, à l’art, ou encore à la musique, notre auteur enquête. Cette affaire, ça fait des décennies qu’elle est logée dans un coin de sa tête. Et enfin, un soir, un convive la mentionne, au détour d’une banale discussion : il s’agit de Marcelle Pichon qui, en août 85, s’est laissée mourir de faim tout en tenant un journal détaillé de son enfer. Quarante-cinq jours d’agonie. Alors, voilà, Grégoire se le demande : est-il possible de trouver raison à son geste ? Comment cette femme, ancienne mannequin, a-t-elle pu se laisser mourir des semaines durant dans l’indifférence générale ? Comment ses proches ne se sont-ils pas rendus compte de sa disparition ? Pour décortiquer l’affaire, il fouille les moindres recoins, documents, traces, témoignages, lieux… livrant ainsi à ses lecteurs une véritable analyse sociologique, politique et sociale de la vie de Marcelle Pichon. Et puis, et surtout, et c’est là que l’on se délecte de la plume de l’auteur, Grégoire Bouillier digresse et divague avec un humour et une autodérision incroyables. Ainsi s’interroge-t-il autant sur cette femme que sur lui-même, démontrant (si cela est encore nécessaire) la puissance psychanalytique de l’écriture. Tantôt hilarant ou sérieux, mais toujours très habile et érudit, le texte de Grégoire Bouillier porte en lui un souffle romanesque d’une densité rare qui le rend impossible, ou tout au moins difficile, à lâcher une fois commencé ! Un véritable bijou de cette rentrée littéraire !