Notre-Dame de Paris

Seul bémol du roman, microscopique : l'introduction. Interminable topographie des rues, palais, églises, ponts, fortifications, toitures, monuments de Paris... C'est long et pas forcément accessible à la lecture, même si j'en comprends les fondements. Toute pièce maîtresse a besoin d'un cadre. Voilà pour les défauts. Hugo peint un tableau inoubliable de la capitale et de ses habitants dans un Moyen-Age désavoué jusqu'au XIXème. Roman historique d'une richesse monstrueuse, aucun détail n'est négligé, aucune question, aucun doute ne vient altérer notre lecture. L'auteur nous pose là avec une facilité désarmante : nous sommes bel et bien au milieu de la foule, à côté de Gringoire quand on découvre avec lui Quasimodo. Personnage magnifique, inoubliable, mais qui n'égale pas pour moi le génial Frollo. Tout le talent de Hugo enivre les lignes consacrées au méchant de l'histoire, jusqu'à un chapitre central qu'il faut relire encore et encore pour saisir l'invraisemblable beauté du texte. Frollo n'en méritait pas moins. Esméralda, l'objet de tous les désirs, se débat parmi les monstres qui l'entourent : la Cour des Miracles, le Bossu sonneur de cloches, le prêtre tourmenté jouet de ses démons, le militaire bellâtre brillant de naïveté voire de bêtise. C'est un océan de passions qui nous submerge, une montagne de littérature que nous gravissons page après page, le sommet s'élevant toujours plus haut. Rien ne prépare à Notre-Dame de Paris. C'est un roman bouleversant, indispensable.

Hugo parvient à répondre aux exigences du roman historique, tout en livrant un récit pessimiste sur les relations humaines. La première moitié pourrait perdre le lecteur contemporain, car elle constitue une véritable thèse sur le Paris du 15e siècle, avec des détails et des références qui nous font perdre de vue la fable. Mais à partir du livre 6, le récit reprend sa place et les diverses révélations nous tiennent en haleine jusqu’à une fin digne des romans de chevalerie ou des tragédies classiques. Hugo a une trentaine d’années lorsqu’il publie ce roman, mais on sent déjà en germe les thèmes qu’il développera plus largement trente ans plus tard, dans Les Misérables, comme la misère sociale ou la condition humaine.

L’étoile perdue c’est pour avoir décrit Paris de fond en comble pendant plus de 70 pages

J’ai tous simplement adoré. Une histoire qu’on connaît tous mais qu’il est bon de lire, malgré quelques longues descriptions de Paris et deux trois chapitres qui ont été difficile à lire, ce lire est une merveille. Des paroles fortes, et des mots sublimes.

Je ne pouvais pas mieux terminer une année aussi riche en lectures qu’avec ce classique de Victor Hugo. Il fait partie de ces livres dont on pense déjà tout savoir, tant il a été adapté. Et sous toutes les formes. Mais après sa lecture, on constate amèrement de l’entreprise, qui a été faite, d’édulcoration d’une œuvre qui ne se limite pas à la tragédie de ses personnages. Le triangle amoureux Quasimodo/Esmeralda/Frollo et le drame qui en résulte, bien qu’émouvant, est finalement assez secondaire. La cathédrale de Notre-Dame de Paris étant le véritable personnage central de cette histoire. Hugo restitue à merveille le Paris du XVème siècle. Son architecture, le tracé de ses rues, les us et coutumes ainsi que le parlé propre à la population de l’époque. Il s’inscrit en tant qu’historien et interpelle le lecteur contemporain (1831) sur ce que fut le Paris de 1482, ce qui fit selon lui son authenticité, en le comparant à un Paris contemporain, dont il juge les monuments récents comme étant de pâles copies de monuments existants ailleurs en Europe. La lecture du chapitre « Paris à vol d’oiseau », peut-être rébarbative pour certains lecteurs, n’en demeure pas moins primordiale pour comprendre l’entreprise de Victor Hugo avec cet ouvrage. Car il ouvre la voie vers une compréhension et une prise de conscience de la richesse du patrimoine français. Et c’est par le biais de ce livre que la cathédrale fut sauvé de la ruine, dix ans après sa publication, grâce aux travaux d’Eugène Viollet-le-Duc. Lire Notre-Dame de Paris, ce n’est pas uniquement lire un formidable. C’est aussi contribuer, à une petite échelle, à la sauvegarde d’un patrimoine millénaire. Plus d’un cœur a saigné à la vue de la cathédrale en flamme ce 15 avril 2019. Un cinglant rappel que ce que l’on croit comme solidement établi peut disparaître en une fraction de seconde