Babel : or necessity of violence: an arcane history of oxford translators

À l'âge vénérable de dix-neuf (19) ans, Rebecca Kuang a écrit La Guerre du pavot, une trilogie de dark fantasy qui, sans vouloir être dramatique, a brisé mon âme et mes membres, et dont je porte un deuil plus féroce que pour certains membres de ma famille. (RIP Tonton tu aurais adoré Éric Zemmour *dab*) Alors autant te dire qu'entendre qu'elle sortait un one-shot de Dark Academia ? Ouh. Bouffées de chaleur. Déchirage de vêtements. Hurlements de bête. Peu de dignité dans tout ça. 1834. Robin Swift a été sauvé d'une mort certaine par un énigmatique professeur anglais, venu le tirer in extremis de la chambre dans laquelle il allait calmement claquer du choléra au côté du cadavre tiédissant de sa mère. J'avoue que rien que ça aurait été un excellent prémisse de drame social, parce que Holy shit quand t'as vécu ça à huit ans, qu'est-ce qu'il te reste à dire à ton psy, mais finalement, ce n'est pas le sujet. Robin est élevé par le professeur Lovell pour devenir un traducteur à Babel, l'institut de traduction d'Oxford, où il se liera d'une amitié indéfectible avec sa cohorte (c'est comme ça qu'on appelle une meute d'étudiant.es à Oxford), Rami, Victoire, et Letty. Petit.es par le nombre, mais grand.es par le potentiel de destruction, chacun.e d'entre elleux est un rejet du système colonial anglais. Robin, cantonais, Victoire, haïtienne, et Ramy, Indien, ont tous été entraînés par de riches anglais blancs pour venir enrichir la force traductrice de Babel (seule Letty est blanche et d'un milieu social favorisé). Parce que Babel est la colonne vertébrale de l'Empire anglais. Les Anglais ont trouvé le moyen d'instrumentaliser l'argent (la matière) en gravant des paires de mots à la signification similaires dans des langues différentes pour améliorer leur vie quotidienne, mais surtout, faire des grosses thunasses. Du flouze. Du blé. De la moneyyy. Et pour avoir de l'argent (les deux), ils sont prêts à faire ce qu'ils font le mieux : piller, coloniser, détruire, tout au nom du Capital, bébé. Il y a beaucoup de choses à dire sur ce livre. La preuve, je l'ai lu il y a plus d'un mois, et je reviens aujourd'hui sur ma critique. Elle a dit elle-même que c'était le livre le plus ambitieux et personnel qu'elle ait écrit. Ça me rend un peu triste d'avoir envie de lui dire qu'elle n'a pas les moyens de ses ambitions. Rebecca Kuang a aujourd'hui 24 ans, elle vient de finir un cursus à Oxford et en a entamé un autre à Yale, et elle aime ni le colonialisme, ni le grand capital. (Tu me diras, moi non plus. Et tu devrais pas non plus, le capitalisme c'est caca. C'est le cacapitalisme). C'est une personne brillante et habituée à l'être, mais qui écrit sur un sujet, bien qu'il la concerne au premier plan, qu'elle ne sait pas manier. L'ensemble a plus la tournure d'un thread twitter que de l'étude sociologique et historique qu'il aimerait être, à coups de réflexions anachroniques (non Rebecca, au début du XIXe on ne parlait pas de "narco-état", on est pas chez Preciado ici). C'est dommage parce que ça aurait été intéressant. C'est quand même intéressant, mais ça laisse un goût bizarre dans la bouche. Et c'est MARTELÉ dans le bouquin. C'est le sujet, en fait. Comment se positionner en tant que colonisé, quand on profite du colonialisme ? Jusqu'où aller pour ses convictions ? Jusqu'où aller pour la justice ? Est-ce que la morale compte plus que la survie ? J'ai vu beaucoup de lecteurices critiquer la véhémence de Kuang sur ces sujets dans le bouquin. Je n'ai jamais eu à me poser certaines de ces questions, parce que je ne suis pas une personne racisée, et je ne peux pas vous dire si c'est trop ou pas. C'est à vous de voir à quel point vous avez besoin de catharsis sur ces sujets-là. Son talent est de mettre en exergue ces choix qui n'en sont pas, le prix des sacrifices que l'on fait, mais aussi de ceux que l'on ne fait pas. Pour l'orgueil, pour la survie. Par deuil, par colère, par conviction, par amour. Rebecca Kuang a une féroce maîtrise des codes de la tragédie, sait montrer à chaque croisement que ses personnages ont d'autres choix, mais que finalement, ils ne peuvent rien choisir d'autre que l'inexorable. Ses héros n'ont pas le temps, ni le loisir, de vivre insouciants. Les histoires d'amour n'ont pas l'occasion d'être vécues, et les liens les plus forts sont ceux que l'on tisse dans la lutte. Le monde est laid, les gens sont cruels, et tout le monde va crever. Crever en niquant l'impérialisme britannique au moins, c'est toujours ça que les Windsor n'auront pas.

Je sais pas trop quoi dire de plus. Ce livre est plus que fascinant, on est plongé dans l’histoire, les personnages sont tellement bien développés ? En faite à la fin du livre on en veut encore. On veut le savourer et le dévorer en même temps. On voudrait le recommencer pour mieux le comprendre !!

C'était fantastique ! L'histoire, l'écriture, les personnages... Tout était précis, bien écrit, pas manichéen. De la Dark Academia pure et dure, avec le petit plus, toutes les réflexions sur le langage et la traduction qui m'ont rappelé mes années de fac et mes études. J'ai le cœur brisé, mais je suis si heureuse d'avoir lu ce livre ❤️