Salon de beauté

Encore une pépite de Quentin Zuttion. Il adapte ici le roman de Mario Bellatin. Salon de beauté, c'est la transformation du salon de coiffure de Jeshua en lieu d'accueil pour les malades du sida. Le nom n'est jamais prononcé, mais les malades s'accumulent. Jeshua se résoud à ne pas les soigner mais accompagne ceux qui sont seuls jusqu'à leur dernier souffle. Les illustrations sont magnifiques, aussi crues que fascinantes, transformant les traces de la maladie en écailles de poissons colorées. Une histoire tragique, adoucie par un univers onirique et poétique. C'est très beau, tout simplement.

Quentin Zuttion signe une nouvelle BD une nouvelle BD, adaptation d'un roman, dans laquelle il nous livre un petit bout de lui. On le sent intime par moment, comme s'il vivait à travers ses personnages ce qu'ils ont vécu. Métaphore du SIDA, il s'agit d'un ouvrage aussi beau que cruel. Beau, parce que ses couleurs nous attirent comme un spectacle de cabaret et parce que ses propos sont humains. Cruel car, comme son sujet, il n'épargne personne et... parce que ses propos sont humains. Oui, les deux. J'ai voulu me replonger dans les pages en le terminant avec un goût un peu indéfinissable qui traînait sur mes doigts, entre le "déjà ?" et le "je ne veux pas que ça se termine", en sachant que cette histoire est bel et bien close, appartenant au passé, avec des relents affreux de "et pourtant... Ce n'est pas encore fini à bien des points de vue"... Mais je n'ai pas eu la force d'affronter à nouveau certaines pages.

Jeshua tient le « Beauty Fish! », salon de coiffure peu conventionnel où il s’attache à sublimer les femmes qui s’y rendent avec ses comparses Alex et Isai. Du soin du visage en passant par la coiffure, ces trois amis manient maquillage, coiffures et cosmétiques à la perfection sur les autres … mais aussi sur eux-mêmes. La nuit, ils affrontent le froid des parcs, fardés et perchés sur des hauts talons. La vie est dure et pleine d’injustices quand on est homosexuel. Et la propagation d’une épidémie ne va rien arranger à leur quotidien. Quentin Zuttion nous livre une réécriture imagée du roman de Mario Bellatin. On y décèle une allégorie du VIH sous la forme d’écailles poissons qui envahissent le corps des malades. Le vert et le orange qui dominent le livre dans la fête, l’amour et plus tragiquement la maladie. Un livre très émouvant et prenant. Le dessin de Quentin Zuttion reste poétique même dans les instants les plus tragiques.

Une adaptation d’un roman de Mario Bellatin. Je ne connaissais pas ce roman, mais après cette lecture, j’ai envie de me pencher dessus. Ici, on est autour des années 80-90. Et l’épidémie du Sida fait des ravages. L’auteur arrive à rendre le tragique beau. La maladie élégante. Un salon de beauté qui se transforme en mouroir pour accueillir les malades. Un joli paradoxe. Bien que triste, j’ai beaucoup apprécié cet ouvrage. Je l’ai trouvé très touchant.

Ce one-shot est sombre mais tout aussi lumineux que les écailles qui représentent la maladie. Une plongée crue et poétique dans ce qui laisse penser à l'épidémie de VIH, bien que cela ne soit jamais directement nommé. Avec beaucoup de force, le parallèle entre la maladie et l'aquarium se file, tandis que fatalité et entraide s'entrecroisent, le tout grâce aux graphismes incisifs mais doux de Quentin Zuttion. Une adaptation réussie du roman de Mario Bellatin !