La petite menteuse

En voilà un roman au sujet osé à l’ère de #metoo ! J’aime lorsque la littérature prend des risques, qu’elle se heurte à l’actualité et la bouscule, pour finalement renforcer le postulat de départ. Parce que c’est bien là toute la force de ce premier roman écrit par Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde depuis plus de vingt ans. Les rouages de la justice, l’autrice les connaît bien. Les mécanismes des tribunaux, encore plus. Alors, lorsqu’elle prend sa plume pour donner voix à Lisa Charvet, forcément, elle bouscule les codes et met son acuité d’analyse au service des victimes et des incroyables mécanismes psychologiques et de préservation qui se mettent en place dans pareilles situations. Parce qu’il y a trois ans de cela, Lisa Charvet a menti en disant que Marco Lange l’avait violée. Alors, lorsqu’elle change d’avocat afin d’être défendue par une femme - Alice Keridreux - et qu’elle lui avoue son mensonge, la parole de Lisa se dénoue et l’engrenage se dévoile, laissant place au portrait d’une jeune femme de quinze ans meurtrie et hypersexualisée par ses pairs. A mesure que la confession de Lisa se fait, l’angle de défense d’Alice également. Parce que, Lisa a menti, oui. Mais Lisa reste avant tout une victime. Une double victime, même. De ses pairs. Mais aussi d’un système. Qui semble bien incapable de se remettre en question et qui fonce tête baissée, sans tenter de faire la part des choses. Elle est doublement victime, Lisa. Alors Alice va lui prêter sa voix et tenter de rétablir l’ordre. Parce que, « c’est plus facile de se relever d’un mensonge que d’un viol. » Au travers de ce roman, Pascale Robert-Diard signe un texte engagé, enragé et plein de subtilité, qui questionne et interroge, sans jamais ni pointer du doigt, ni réduire au silence la parole de toutes ces femmes qui ont osé. Pour que demain, d’autres puissent continuer de le faire, sans chemin détourné.

Liza, collégienne de 15 ans, raconte qu'elle a subi un viol et la machine s'emballe.... école, famille, amis, justice. Et Liza, comment va t-elle ? Comment grandit t-on avec l'impensable ? Est-il plus facile de vivre avec un mensonge ou un viol ? Un livre criant de vérité que j'ai adoré. Une belle découverte pour ce premier roman.

Je me considère comme féministe, et je me bats tous les jours d'un point de vue professionnel sur les sujets d'égalité femme-homme au sein de mon entreprise. Je suis extrêmement investie sur ces problématiques et souvent confronté à tous les débats, les problématiques autour des situations, de l'interprétation. Je comprend d'autant plus le retour de Léa Salamé sur le roman sur le notion de "Nuance". A cela je rajoute une autre de mes casquettes à lequelle ce roman a énormément fait échos : mes années d'étudiantes en droit. Et c'est notamment sur cette partie que j'ai trouvé le roman superbe car pour moi en effet - au delà de la complexité du sujet - ce que j'ai adoré c'est la manière dont justement le rôle de l'avocate est dépeint, on retrouve cette notion d'impartialité que l'on nous répète à tout bout de champs et surtout la complexité du droit pénale et comment le rôle de l'avocat n'est pas de trouver la "vérité" mais d'appliquer le droit : je peux comprendre que cela soit irréaliste et totalement fou mais c'est sur cette base que notre système judiciaire est fondé et se base et qui permet également de défendre la présomption d'innocence. Présomption qui aujourd'hui est bafoué, remise en cause perpétuellement et peut finir par décrédibiliser un grand nombre de sujets car des actions, des jugements et des conclusions hâtives sont prises sans prendre le recul nécessaire, le temps de comprendre, le temps de prendre en compte toutes les versions, toutes les possibilité. Je ne suis pas forcément d'accord quand je lis "pourquoi écrire cela aujourd'hui" bien au contraire il faut avoir ce types de lecture. Au même titre que le documentaire Netflix Amber vs Depp a pu surprendre et révolter un grand nombre de choses. Je ne considère pas que cela desserve la cause de la femme pour autant - mais c'est un point de vue. Je considère pour autant que tout le monde ne devrait pas lire ce roman car tout le monde n'est pas en capacité de comprendre et de prendre le recul nécessaire sur ce types de lectures car propice à des conclusions hâtives et à beaucoup d'incompréhension. Sur le personnage de la "petite menteuse" j'ai beaucoup aimé comment toute la période du collège a été dépeint, rappelé, c'est personnellement une période que j'ai détesté et donc je me suis énormément reconnu dans les propos partagé - pas pour l'avoir vécu personnellement - mais des histoires de vidéos, de "filles facile" etc étaient assez "courant" au collège malheureusement.

Captivant, dramatique, saisissant … attention, vous aurez du mal à lâcher cette affaire avant de connaître le verdict.

Au-delà d'un sujet fortement d'actualité, vous trouverez ici un sujet parfaitement amené. C'est avec brio que l'auteure place son lecteur dans une posture neutre, ni trop en pitié ni trop en colère. C'est la recherche de la vérité et de la justice avant tout.