La pensée straight

Feministe matérialiste depuis un long moment déjà, j'étais très familière des idées de Monique Wittig, que je partage d'ailleurs en grande partie. Ce fut une lecture intéressante pour me plonger dans le détail de ses théories mais c'est surtout un livre a conseiller a toutes les personnes qui se questionneraient sur la question du féminisme matérialiste, les clefs sont a l'intérieur pour comprendre et il est plutôt simple a lire. J'emettrai simplement une critique sur le chapitre "La marque du genre" ou je ne comprends pas sa volonté d'utiliser au maximum le "il" en tant que neutre bien qu'elle exprime le fait que ce n'est pas LA solution. On comprend qu'elle fait ce choix faute de mieux et c'est cette posture qui m'interpelle. Je ne comprends pas qu'on puisse être si radicale sur bien des points et céder a la passivité sur celui ci en particulier. Si le "il" neutre ne convient pas, pourquoi ne pas être force de proposition ? Je reste perplexe face a ce passage, mais ça n'en reste pas moins un classique du feminisme.

La radicalité de la pensée de Monique Wittig est si renversante qu'elle bouleversera, complètement et sans retour possible, le monde de tous ses lecteurs. Une vraie petite bombe !

Monument de la littérature féministe matérialiste, La Pensée Straight ouvre la voie vers une toute nouvelle vision des relations femmes/hommes en y plaçant la femme lesbienne comme anomalie. Si la femme se définit par son rapport à l’homme, comment définir la lesbienne ? « Les lesbiennes ne sont pas des femmes » nous répondait Monique Wittig. Slogan toujours scandé aujourd’hui lors des manifestations féministes, « les lesbiennes ne sont pas des femmes » résume la pensée de Wittig: être lesbienne, c’est transcender les normes de genre. Recueil d’articles incontournable à lire avec attention et regard critique: je ne suis pas sûre que la comparaison du traitement des femmes par les hommes à l’esclavage des noirs par les blancs était nécessaire. Ce livre est innovant mais a ses limites qu’explorera Judith Butler dans Trouble dans le genre.

Avant de lire ce livre, je connaissais déjà les thèses de Wittig, que l’on voit discuter partout; j’étais donc un peu réticent (peut-être d’overdose ?). À la lecture j’ai cependant compris pourquoi Wittig était autant classique, autant iconique. Ce livre est divisé en neuf articles (sans compter les préfaces), qui regroupent donc 9 thèses différentes. Ils font tous preuves d’une grande finesse. Leur publication s’étale sur 10 ans, et on comprend implicitement qu’ils recouvrent les grands traits de la pensée de Wittig. Certains articles, comme « homo sum » ou « la marque du genre » (entre autres) m’ont réellement ému dans leur projet, dans leur essai. Au-delà même de leur intérêt théorique, je les ai trouvés beaux. C‘est aussi en critique littéraire qu’elle paraît ici (toujours avec un esprit féministe-lesbien), et certains passages sur la matérialité du langage sont juste géniaux. Ce livre n’a aucunement perdu en modernité. Il est à acheter, à lire, notamment si on veut comprendre la pensée féministe radicale.

Lire La Pensée Straight sans connaître les romans de Wittig (et inversement) me paraît ardu . Ses romans sont à mon sens plus importants et pertinents que son essai. Dans ses œuvres, le dépassement des catégories sexe/genre par la figure de la Lesbienne passe avant tout par la reprise des prédiscours hétérosexuels et lesbophobes. Wittig soumet ces prédiscours à la pratique de la resignification et du désamorçage (concept de Butler) pour les rendre illégitimes mais elle redéploie également le mythe entourant le corps lesbien : le corps lesbien devient un objet indéfinissable et linguistiquement insaisissable. Le tour de force de Wittig c'est qu'elle demantèle, explose les théories de Freud (sur la sexualité), de Lacan (sur la conscience), d'Althusser (sur l'interpellation) et de Benveniste (sur la subjectivité) notamment dans Le Corps Lesbien lorsqu'elle dénonce le caractère genré du langage par la fragmentation du j/e qui lui permet d'inaugurer des sujets non plus soumis à une subjectivité mais ouverts sur l'universel. Par ailleurs, Wittig passe également par le détournement des textes fondateurs et phallocentrés (Virgile, non ainsi que Les Guérillères, épopée "à rebours"). Cependant, et c'est là que le bas blesse, les sujets de Wittig s'inscrivent dans une temporalité latente, pré-sociale, dans un en-dehors idéologique et cela rejoint selon moi l'aporie principale de son essai. Wittig dit que les lesbiennes ne sont pas soumises au régime hétérosexuel ("Les lesbiennes ne sont pas des femmes" disait-elle dans son discours de 1978) et que ces dernières se situent au-dessus de notre société phallocentrique mais malheureusement elle ne propose aucune autre alternative, pas d'eldorado lesbien comme modèle de société alternatif...