Héritage

Lazare a été débarqué d’un cap-hornier sur la cote chilienne. Il partait vers la Californie, avec dans ses bagages un unique plant de vigne rescapé de son petit vignoble du Jura ravagé par le phylloxéra. Lazare rêvait de l’Amérique. Mais le bateau de fer l’a largué à Valparaiso parce qu’il brûlait de fièvre. Ainsi commence le roman de Miguel Bonnefoy, librement inspiré de sa légende familiale. Il tire des petits bouts de ficelle, va chercher des fils ailleurs quand il en manque et construit, à l’intérieur d’une trame fragile, une saga sur quatre générations. Lazare épouse la fille d’un marchand de parapluies qui a fait fortune en débarquant un jour de pluie. La vigne prospère, sur les hauteurs de Santiago, et Lazare engendre un autre Lazare. Celui-là n’épouse pas la terre mais une demoiselle un peu folle qui peuple sa maison de centaines d’oiseaux qu’elle bichonne bien plus que son mari. Ce dernier est occupé à prendre des bains d’agrumes et à faire fructifier sa petite fabrique de pâte à hostie qu’il vend aux pharmaciens et aux marchands de touron. Une nuée de symboles On a beau être à Santiago, on est en France. Lazare le jeune part, avec quel- que 3 000 Franco-Chiliens, sur le front de la Grande Guerre. Sa fille aussi ira là-bas, Margot, une teigneuse passion- née d’aviation, qui encombre le jardin avec un aéronef fabriqué avec Ilario. Margot n’existe pas, dans la chronique familiale. Miguel Bonnefoy a emprunté sa ténacité et sa rage à l’aviatrice Margot Duhalde. Il a aussi inventé Aukane, un guérisseur mapi qui soigne les oiseaux malades. Il y a eu deux Lazare, il y aura deux Ilario. Le fils de Margot. Qui fera le chemin de l’exil à l’envers, pour fuir le régime de Pinochet. Miguel Bonnefoy joue avec les symboles, les racines de la vigne et de la fa- mille, avec les noms, les prénoms qui se font écho, dans chacun de ses romans. Il sème de petites graines prêtes à germer d’un texte à l’autre : dans « Héritage », on retrouve des personnages, Bracamonte, Venezuela... qui résonnent avec « Sucre Noir » ou « Le Voyage d’Otavio »... Pont de papier On se laisse emporter avec exaltation dans cet univers foisonnant, oscillant entre la sorcellerie mapuche et les racines jurassiennes, ces savoureux métissages générés par l’exil, la langue flamboyante de Bonnefoy et cette filiation magnifique avec la littérature latino-américaine, des accents de Jorge Amado ou Horacio Quiroga. Écouter l’auteur mêler le français avec la prononciation espagnole des toponymes chiliens avive la puissance de ce qu’il nomme le pont de papier entre les deux cultures. À force de flirter avec les plus prestigieux prix (« Sucre noir » était finaliste du Femina l’an dernier), il mériterait bien de décrocher l’un des cinq cadors (Goncourt, Femina, Médicis, Renaudot ou Interallié).

Un très joli roman que l'on passe entre Chili et France. Entre première guerre mondiale, seconde guerre mondiale et dictature Chilienne. Mais tout cela raconté avec la poésie d'un conte.

A la fin du 19eme, le vignoble français est ravagé par le phylloxera. C'est là que tout commence : un vigneron jurassien s'embarque pour la Californie, ruiné, avec juste un cep de vigne et 30 francs en poche. Par un concours de circonstance, il ne verra rien de la Californie. L'avenir sera chilien. La famille Lonsonier va traverser le XXe siècle avec fougue. Elle connaîtra deux guerres mondiales, une dictature. Selon l'époque dans la famille, on sera poilu dans les tranchées de 14, aviatrice en 39 ou opposant à Pinochet. On traverse l'histoire en compagnie de cette famille pas tout à fait comme les autres. Des personnages hauts en couleur animés par une force de vie peu commune. Un livre réaliste et baroque qui n’est pas sans rappeler Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez. Une écriture éblouissante avec ce brin de fantastique typiquement sud-américain.

J'ai passé un bon moment en lisant ce livre qui m'a fait voyager entre la France et le Chili, à travers 100 ans et plusieurs générations d'une seule et même famille. C'est l'histoire des migrations et des richesses historiques qu'elles offrent.

Mon premier vrai coup de cœur 2023. L'histoire poétique et historique d'une saga familiale. On voyage entre la France et le Chili. Une écriture simple qui nous met des images plein la tête. Des personnages attachants, on aime à s'imaginer dans la volière de Thérèse, à bord de l'avion de Margot... on vit la guerre, la dictature... A découvrir sans attendre Miguel Bonnefoy et son "HERITAGE"