L'année sauvage : une vie sans technologie au rythme de la nature

J'ai lu ce livre plutôt vite sans jamais décrocher ! Mark Boyle écrit comme il parle et sans doute comme il pense c'est agréable à lire. Malgré quelques justifications un peu trop appuyées (de vegan redevenu carnivore / du manuscrit à la saisie sur ordi), j'ai trouvé le témoignage empreint de beaucoup de sincérité et de transparence. Ça donne à réfléchir !

J’avais déjà été impressionnée par « L’homme sans argent », mais là dans « L’année sauvage » je dois dire que je suis émerveillée : se couper de tout ce qui fait notre monde tout en y restant, car non Mark Boyle ne s’exclut pas bien au contraire, avec une aisance incroyable, un goût de la nature et pour elle… une quête de sens qui fait sens. Merci M. Boyle

Mark Boyle avait déjà expérimenté 3 années sans argent après avoir abandonné les 90 ou 95% de ses biens (voir son autre livre L’Homme sans argent). À la suite du récit de cette expérience et de son succès libraire, l’argent des ventes lui permet d’investir dans un lopin de terre de la campagne irlandaise où il pourra poursuivre sa démarche de mener un mode de vie au plus proche de ses convictions, tout en remettant en cause certaines de ses idéologies (véganisme). Pour ce faire, il coupe les liens avec la majorité des technologies de l’ère industrielle et notamment Internet/ réseaux sociaux, ordinateur, téléphone, réveil/ montre et puis surtout: l’électricité (mais pas le vélo!). Son récit est découpé en 4 saisons au cours desquelles il mêle situation présente et flashbacks sur son histoire personnelle. Parallèlement, il évoque un voyage dans les îles Blasket qui nous permet de découvrir une des dernières communautés autonomes d’Irlande ayant vécu sans technologie « moderne » jusqu’à l’évacuation de l’île dans les années 60. Bien que les paragraphes n’aient pas toujours de lien entre eux durant le récit, ils parviennent à formuler un tout qui se tient, l’expression des besoins, des doutes, des réussites, des échecs et des difficultés de ce mode de vie qui n’est pas romantisé et que l’auteur n’implore pas particulièrement de mettre en oeuvre par chacun.e même s’il y croit profondément. Car bien qu’il y trouve personnellement son compte, le renoncement pour y parvenir est parfois important. Et s’il est relativement simple pour l’auteur d’abandonner les réseaux sociaux et internet, on comprend que son travail d’écriture (en manuscrit) n’a pas été de tout repos dans les premiers temps. De même, l’aspect de son ancien véganisme de citadin prend une place importante, on perçoit que c’est quelque chose qui le travaille et que l’auteur se nourrit d’animaux par nécessité. Voici un passage qui l’illustre et qui prête à réfléchir (l’auteur vient de dépecer une biche percutée par une voiture pour s’en nourrir): « En repensant à certains de mes anciens camarades de lutte (note: végane), je ne doute pas que certains me renieraient à présent. Ils perçoivent probablement mes propos comme une trahison. C’est une idée qui m’attriste, car, ayant moi-même épousé leurs vues pendant longtemps, je comprends et respecte leur raisonnement. Et pourtant, je dois me répéter que ce n’est pas moi qui ai tué cette biche. C’est une voiture. Les voitures ne sont pas véganes. Les téléphones non plus. Les tubes de vitamines en plastique non plus. Les pois chiches, le soja, les graines de chanvre… rien ne l’est au fond. Tout cela découle d’une idéologie politique qui est en train de causer la sixième extinction de masse des espèces, qui détruit un habitat après l’autre, pollue les cours d’eau, la terre, les océans et chaque bouffée d’atmosphère partout où elle se répand. Vu d’ici, cette carcasse sanglante devant moi me paraît plus végane que les sachets en plastique de fèves de cacao que je vendais autrefois (note: l’auteur était gérant d’un magasin bio), ou que ce t-shirt - teint en jaune à l’aide de je ne sais quoi - que j’avais sur le dos. En tout cas, à défaut d’être plus végane, c’est au moins plus honnête. » On comprend aussi, grâce à l’histoire retracée des îles Blasket, que cette vie presque autonome n’est pas possible sans voisins, sans communauté ou qu’elle serait en tout cas bien plus difficile; on est loin du fantasme d’autonomie dépendant de technologies modernes et qu’on retrouve souvent dans les descriptions classiques sur les magazines ou les réseaux sociaux (panneaux solaires et compagnie). Il n’est donc pas question d’une démarche pleinement individualiste mais qui s’inscrit dans un environnement peuplé à la fois d’humains et d’autres animaux et plantes à la fois sauvages et domestiqués, à l’époque qui est la nôtre. Pour autant, on peut se demander comment transformer la démarche en collectif sans que cela ne vire au fiasco (l’auteur explique rapidement les réussites et échecs des communautés volontaires qu’il a fréquentées). Bref, ça donne énormément de pistes de réflexions sur notre société et le chemin plutôt sombre qu’elle prend. J’aurais aimé que l’auteur aborde certaines questions comme l’aspect de la santé. Quelles seraient ses limites à refuser les technologies modernes en cas d’accident? Comment paierait-il? Que ferait-il en cas de disparition de ses ressources principales? J’ai donc fini avec plus de questions que de réponses, ce qui donne furieusement envie d’écrire à l’auteur pour en discuter avec lui! Note importante: il y a au moins une description qui pourra heurter les personnes sensibles (scène de dépeçage d’un animal)