La souris qui voulait sauver l'ogre : une enquête de la cellule Cornelia

Entre enquête sur un suicide et réflexion profonde sur des sujets très actuels, Françoise Guerin nous emmène dans un jeu de piste au cœur d’un lycée privé où chacun semble avoir quelque chose sur le cœur. Maya, suicidologue de son état et membre de la cellule Cornelia, suit les miettes de pain laissée par Pauline, une ado prometteuse qui a mis tragiquement fin à ses jours. J’ai rarement lu quelque chose qui pointe avec tellement de précision les travers de notre système actuel. « La souris qui voulait l’ogre », c’est un condensé de sociologie avec un constat principal: ceux qui ne font pas partie de la caste dominante, qu’elle soit économique, sociale ou géographique sont sans cesse malmenés. Loin de s’abandonner à une explication simpliste, l’autrice démontre à travers l’enquête que les causes du mal-être sont souvent multifactorielles. En plus d’être éminemment intéressant, le roman de Françoise Guerin est aussi très difficile à lâcher, grâce à des révélations bien rythmées et des personnages aux personnalités complexes. Un énorme point bonus pour la magnifique relation entre Maya et Mrs Robinson, son doberman pot de colle qui attire tous les regards! À noter aussi, l’utilisation de la deuxième personne du singulier, un choix plutôt rare mais qui fonctionne très bien ici.

Je connaissais le talent de @fguer1.auteure puisque j'avais adoré "on noie bien les petits chats", talent qui se répète ici car j'ai aussi adoré sa nouvelle parution. Le style particulier d'écriture (tout est à la deuxième personne du singulier), donc une toute autre dimension au récit. Je suis devenue Maya le temps de quelques pages. L'enquête est rondement menée, avec des personnages aussi attachants que détestables, dans une école où tous les coups bas sont permis pour réussir. Harcèlement, intimidation, cachotteries et stratagème, tout est fait pour détruire ses adversaires. Maya m'a profondément touchée, et que dire de Mrs Robinson, personnage on ne peux plus central de toute cette histoire. La tension est palpable tout le long du roman mais la fin est une véritable apothéose ! Impossible de le lâcher (je suis arrivée en retard au boulot !). Il sort le 4 janvier, il ne FAUT PAS passer à côté !

Françoise Guérin n’a pas choisi un sujet facile pour son nouveau roman, celui du suicide des jeunes, à peine sortis de l’adolescence. De tels actes ne sont pas rares, hélas, et génèrent chez les proches sidération et culpabilité. A travers ce thriller intense et réussi, l’auteure, elle-même psychologue clinicienne, tente d’apporter un éclairage sur ces drames. A Sète, le lycée de la Rédemption jouit d’une réputation d’excellence. Il accueille en son sein les meilleurs élèves et se targue d’un taux de réussite au BAC exceptionnel. Il abrite également des classes préparatoires aux « Grandes Écoles » que peuvent intégrer les meilleurs. C’est le cas de Pauline, 17 ans, brillante. Mais, un début d'après-midi ordinaire, Pauline s’est jetée du toit de l’établissement, ne se laissant aucune chance. Pourquoi un tel geste, qui plus est dans l’enceinte du lycée ?   Tenter de comprendre pour mettre en place des actions de prévention est la mission confiée à Maya Van Hoerenbeck, psychologue spécialisée en suicidologie, par la Cellule Cornélia, sous la houlette du Ministère de la Santé. Une mission complexe car dès son arrivée à la Rédemption, Maya comprend qu’elle n’est pas la bienvenue. La proviseure, plus soucieuse de la renommée de son établissement que de la santé mentale de ses élèves, s’obstine à qualifier le suicide de Pauline de malheureux accident…  Maya, qui a elle-même été scolarisée à la Rédemption et qui n’en a pas gardé de bons souvenirs, va devoir batailler durement pour mener son enquête, son autopsie psychologique… Ce roman est remarquable : très bien construit, très fouillé, avec des personnages attachants (la bonne idée d’avoir accompagnée Maya d’un chien, une doberman répondant au nom de Mrs Robinson, capable de protéger sa maîtresse mais aussi d’aplanir bien des situations stressantes). On suit avec un intérêt croissant l’enquête de Maya, ses rencontres avec ses amies, sa famille, le personnel du lycée (dont, heureusement, certains sont moins indifférents que la proviseure), on croit comprendre pourquoi Pauline ne voulait plus vivre, mais l’auteure ne se contente pas de donner une explication banale à ce drame absolu, poussant le lecteur à interroger ses propres certitudes. Un suicide a des causes multiples et chez les adolescents ou les très jeunes adultes un mal être peut s’installer sans que les proches s’en rendent compte, ce qui aggrave encore la culpabilité ressentie après le passage à l’acte et rend le deuil presque impossible …    Je n’ai pas vu passer les 515 pages de ce livre bouleversant (à la fin, l’auteure rappelle les sites essentiels sur la prévention du suicide, notamment le 3114 ou encore le Fil Santé Jeunes au 0800 235 236) éclairé par de très belles pages sur la ville de Sète (à découvrir si vous ne connaissez pas, c’est magnifique !).

Retour dans sa ville natale, Sète pour Maya, non pas pour des raisons personnelles mais professionnelles. Elle est psychologue et fait partie d'une unité spéciale, Cornelia, chargée d'enquêter sur les causes de suicides. Pauline est une jeune étudiante. Issue d'un milieu défavorisé, elle a réussi à intégrer la Rédemption, établissement qui prépare les élites aux grandes écoles. Mais malgré un avenir prometteur, Pauline a décidé de mettre fin à ces jours. C'est pour enquêter sur les causes de décès que Maya va, de nouveau, arpenter les couloirs de cet établissement, qu'elle a aussi jadis connu. Mais rien ne sera simple, car les langues ont du mal à se délier, surtout quand certaines personnes tentent de miminiser l'incident. J'ai eu un coup de cœur pour ce récit percutant, incisif. Si de prime abord, l'emploi du "tu" peut déstabiliser, très vite, on ne s'en rend plus compte. D'ailleurs, j'ai trouvé que ce style d'écriture rend l'histoire encore plus immersive. Tour à tour, on ressent la fragilité de Maya, on s'incline devant le courage et la volonté farouche de Pauline. Et mon immersion était telle que j'ai pesté, plusieurs fois même, quand au fil de l'enquête, certaines omettaient de dévoiler à Maya, certains faits pourtant importants. C'est pour dire. Mais au-delà de ça, cette histoire est une mise en garde, contre certains travers de notre société, de cette marche forcée à l'excellence au détriment de l'humain, de cette guerre de classe entre nantis et pauvres. C'est une analyse très fine, sans jugement sur les gestes des victimes, mais qui nous sensibilise à de réels sujets de société, dont le harcèlement scolaire. À garder dans un coin de sa tête, surtout quand on est parents.