Thésée, sa vie nouvelle

un travail d’orfèvre. Ne pas se fier à la quatrième de couverture qui ne dit rien de la finesse du récit.

"Qui commet le meurtre d'un homme qui se tue ?" C'est avec cette vertigineuse question que s'ouvre le superbe 'Thésée, sa vie nouvelle' de Camille de Toledo. Ce qui est narré dans ce livre c'est le parcours de l'auteur qui se plonge dans son histoire familiale pour la remonter à contre-courant et surmonter les maux qui ont bâtis les destins, les corps, les vies, les morts de ses parents, de ses ascendants. Thésée, c'est ainsi que l'auteur se nomme dans le récit, part se confronter à son Minotaure. Le point de départ c'est le suicide par pendaison, du grand frère. Celui qui reste, l'auteur, voit peu après sa mère mourir subitement, dans un bus, le jour de l'anniversaire du suicidé. Puis il accompagne l'agonie de son père qui décède d'un cancer un 30 novembre. Seul donc avec sa douleur, qui devient physique, son dos bloqué qui le transforme en gisant, il quitte Paris et ses morts avec les archives de sa famille dans lesquelles il se plonge pour comprendre et s'opposer au destin. Il part avec ses enfants à Berlin, au pays qu'ont fuit ses ancêtres. Le premier ancêtre qu'il croise dans les archives, c'est Talmai, le grand-père de son père qui écrit sublimement l'histoire d'Oved, un de ses fils qui veut devenir le premier roi juif de France. Thésée raconte Talmai qui perd Oved et qui, de peur de souffrir d'une possible mort de ses autres enfants à la guerre, se suicide... le 30 novembre 1939. C'est ici le premier de plusieurs récits familiaux qui s'enchevêtrent, se répondent et montrent les trames qui à travers les âges construisent à leurs corps défendant, tant les êtres que l'histoire d'un pays, via ici les 30 glorieuses, comme rédemption inconsciente d'un XXème siècle meurtrier. Ce livre est extraordinairement beau, profond et émouvant. Il résonne fort tant le récit parle vraiment de chacun d'entre-nous en ce que nous sommes aussi construits des traumas de nos aînés, traumas qui traversent les générations et sont portés par les silences. Thésée et ses maux fait de tous les mots qu'on lui taisait. Sublime.