Les années

Écrit à la troisième personne ce récit autobiographique mêle l’histoire intime de l’écrivaine à celle collective des individus vivant la deuxième partie du vingtième siècle et l’entrée dans le troisième millénaire. Comme Annie Ernaud a un sens de l’observation aiguisé et une vision sociologique remarquable, la lecture des Années vous émeut, vous amuse, vous questionne, ne laisse jamais indifférent-e. L’écriture est sans fioriture, efficace.

Cela fait longtemps que je n'ai pas autant détesté un ouvrage. Je suis à la 50eme page je pense déjà l'abandonner. Extrêmement pauvre. Phrases jetées les une après les autres sans aucun sens. Pas de réelle histoire. Qu'on ne vienne pas me dire : on dit pas que c'est nul on dit que l'on aime pas. C'est juste pas possible. Mon premier livre d'elle et me DERNIER.

Ce n’est pas tous les jours qu’on lit un prix Nobel de littérature, et ça se ressent. Le style d’écriture de ce livre est très inhabituel : des phrases très (très) longues pleines de références sociétales et historiques, pas ou peu de points, et pas de chapitres. Cela m’a perturbée en début de lecture, mais c’était sans compter la richesse de cet ouvrage en terme de mémoire collective ! En effet, à partir de la description de photos personnelles, Annie Ernaux ouvre peu à peu l’éventail de ses souvenirs afin de faire un état de la société sur plusieurs années. Le récit est à la fois très intime et impersonnel. Je n’ai pas autant apprécié que je l’aurais souhaité, mais je suis admirative du travail réalisé, et du désir de l’autrice de coucher sur papier ses souvenirs, afin de - je cite - « Sauver quelque chose du temps où l’on ne sera plus jamais. »

Un de ses plus beaux livres. Juste. Beau. Simple. Une vie d'écrivaine française, des mémoires collectives. Lisez les romans d'Annie Ernaux sans hésiter.

Le titre fait penser à Virginia Woolf et le travail sur la mémoire et le souvenir rappelle que l'on a déjà trouvé fréquemment dans les livres précédents d'Ernaux la référence à Proust. De manière impressionnante, l'auteure pratique ici un déploiement, un épanouissement de son style habituel et de ses thématiques pour nous offrir "une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective." Ce projet d'écriture est cohérent dans son œuvre, inscrit ici le désir autosociobiographique qui irrigue tous ses livres depuis 1974 dans une ambition littéraire nouvelle qui fait que cet ouvrage est probablement son chef-d'œuvre. En décrivant de vielles photographies, le langage familial et de son entourage, des comportements, des slogans ou des expressions oubliés..., l'auteure se fait la gardienne d'une époque et d'un certain milieu social alors que la première phrase écrite est : "Toutes les images disparaîtront." et la dernière est : "Sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais". Ce déploiement temporel et spatial de son écriture passe en revue les décennies et c'est une formidable boîte à souvenirs qui déroule ses pages et par petites touches reprend les thèmes principaux de son œuvre : le vécu de la transfuge de classe, les inégalités, les formes de la domination et de la soumission, l'aliénation du mariage, la surveillance sociale du corps féminin, etc. Une très belle machine à remonter le temps, avec laquelle Annie Ernaux invente la critique sociale mélancolique et nous émeut profondément.