Le temps des sorcières

Un roman très riche et dense mais exigeant envers ses lecteur.ices ! J’ai tout de suite accroché au résumé, mais au vu de l’épaisseur de l’ouvrage (environ 620 pages), j’avais quelques appréhensions quant à la réalisation… heureusement, je n’ai pas été déçue et j’ai même été impressionnée par l’appropriation et l’interprétation que l’autrice a faite de la figure si éculée de la sorcière. Dans ce roman aux milles références culturelles, littéraires et mythologiques, la sorcellerie a la part belle avec la politique, le droit des femmes, le féminisme et le mouvement des suffragettes… la magie et les contes de fées enrichissent et nourrissent le récit et apportent une certaine poésie à l’ensemble du roman. Mais ce que j’ai le plus aimé dans cet ouvrage, c’est la sororité et la solidarité présente tout du long… d’abord entre les 3 sœurs, mais surtout entre toutes les femmes qu’importe leur âge, leur origine, leur sexualité, etc. Les vers et les voies se partagent et maintenant, c’est à nous de transmettre ce savoir et de passer le flambeau aux générations futures pour que perdurent le temps des sorcières.

Tour à tour narratrices, les sœurs Eastwood racontes leur histoire et comment elles ont tenté de changer les choses à New Salem durant l'année 1893 tandis qu'un mouvement de suffragettes était en marche. Possédant des pouvoirs interdits à leur époque, elles vont devoir s'allier après des années de distance pour une cause qui leur tient à cœur : la condition des femmes. Des femmes à qui l'on a appris à se taire, à servir les hommes, a dissimuler leurs dons et qu'on empêche d'accéder au savoir. J'ai été imprégné de l'époque, tant par les descriptions élaborées que par la justesse du sujet. Ma mélancolie pour les histoires de sorcières a été apaisée par ces 600 pages qui évoquent une époque qu'on ne saurai oubliée moins encore après ce roman !

Un roman que j’avais repéré en anglais, un roman qui me tentait encore plus quand j’ai appris sa sortie, considérant la collection comme un gage de qualité, et cette couverture divine. J’avais des attentes assez hautes (des critiques plus positifs que mitigés sur la VO) et elles furent déçues, un temps. Le risque quand on attend trop fort quelque chose, c’est que si c’est quelque chose d’autre, la déception peut être assez grande et on peut aussi gâcher une belle lecture. Alors j’ai serré les dents, j’ai accepté que ce n’était pas ce que j’espérais et j’ai passé de bons moments. Le Temps des Sorcières n’est pas exempt de défauts ni de longueurs : c’est un roman exigeant et très dense qui n’hésite d’être concentré et éveillé. Les soirs post-9h de travail et implant’ de Noël, c’était assez compliqué. Un après-midi de repas ? 250 de ses pages se dévorent. Trois sœurs. Fin des années 1800. Droit de votes aux E.U. Ici, la sorcellerie et le mystique se mélangent à la politique, aux droits de la femme, au mouvement des suffragettes. Je m’égare certainement mais je me suis fait une réflexion : ce roman ne serait-il pas le pendant fictif du « Sorcières » de Chollet ? Profondément féministe, ce roman est d’une intelligence étonnante, très fourni et complexe. Dans ses réécritures de mythes, dans les recherches effectuées évidentes, dans l’utilisation de « clichés » qui appartiennent à la figure de la sorcière (tout vient par trois, toujours, par exemple), tout est bien pensé et logique. Les sœurs, différentes, sont attachantes et bien écrite : Génie m’a beaucoup fait pensé à Jo March, Bella est la délicatesse et le doute personnifié, quant à Agnès… ma préféré et la force incarnée. Quant à la plume… j’ai lu la version française mais je pense qu’un vrai soin a été apporté à la traduction. Complexe et poétique, j’ai eu un coup de cœur immédiatement pour le texte. Pas une lecture facile, pas ce que j’attendais à le commençant. Pourtant, j’ai trouvé un texte au propos bien supérieur, on est loin d’une simple Fantasy ou histoires de sorcières. Une bonne surprise !

On suit les aventures des Sœurs Eastwood dans un New Salem de la fin du XIXe, puritain et rétrograde, où les perspectives d’émancipation, d’autonomie et de liberté des femmes sont quasi-nulles. Brimées, abusées, battues, réduites au silence, elles rêvent de jours meilleurs, de ces jours où les femmes étaient sorcières, détenant le pouvoir et écrivant fièrement leur destin. Et si ce pouvoir n’était pas tout à fait perdu ? La sorcellerie au service de l’émancipation des femmes, c’est frais, original, intelligent. J’ai été happée par cette histoire finement tissée, poétique, aux rebondissements construits et complexes. Les personnages sont travaillés, approfondis, avec des personnalités marquées mais toutes en nuances, jamais caricaturales. Le livre est long, pourtant on se surprend à ralentir la cadence sur la fin pour ne pas quitter Agnès, Bella et Genièvre trop vite.

Ce roman est dense certes. + de 600 pages. Mais si je n avais pas eu des besoins vitaux et des impératifs professionnelles ou familiaux, je crois que je l'aurais lu d une traite. J'ai aimé chaque personnage, leur complexité et leurs aventures ! Alix E. Harrow a vraiment une jolie plume ! Elle m a fait regretter que tout cela ne soit que fiction et que malgré ma volonté, les vers et les voies ne fonctionneraient pas dans notre monde.