Deux innocents

Ce livre parle de la relation enseignante -élève. Très vrai et très troublant pour l’instit que je suis!

Je retrouve avec un immense plaisir la plume délicate d’Alice Ferney. L’héroïne va tomber dans l’essoreuse de la justice. Son crime : aimer son métier innocemment, et n’être pas dans l’air du temps. J’ai aimé ce roman pour Claire qui est un personnage qui sort vraiment du livre, on sent sa présence. On ressent son optimisme et sa sidération.

Ce que j’aime chez cette autrice, c’est la façon qu’elle a de poser des questionnements, de faire entrer le lecteur dans un débat aux angles de vue contrastés. Alice Ferney s’interroge autant qu’elle nous interroge : jusqu’où peut aller la conscience du travail bien fait quand on s’adresse à des êtres humains réclamant parfois l’affection dont ils peuvent manquer ? Quand on sait que le bien être de l’élève est fondamental pour la réussite des apprentissages. Où faut il placer la limite des émotions ? Quel est le seuil de la distance professionnelle exigée par une posture institutionnelle ? Celle qui peut protéger dans certaines situations et tout aussi bien « jeter un froid » et instaurer une distance avec les élèves? Un juste milieu est il possible ? En tant qu’enseignante, je n’ai pu qu’être sensible aux problématiques de l’ouvrage : la conscience professionnelle et la posture professionnelle. Grâce aux personnages dont les personnalités et les points de vue s’opposent, Alice Ferney instaure une dialectique qui conduit le lecteur à prendre de la distance avec ses aprioris, à sortir de son propre point de vue et à entrer dans la nuance. Alice Ferney nous enseigne à travers ses personnages combien le monde est complexe et les façons de le percevoir multiples. Néanmoins, les personnages sont à ce point sujet à réflexion qu’ils peuvent en devenir « prétexte ». J’ai trouvé que la mise en place du personnage principal, Claire, représentant l’épouse, la mère et l’enseignante idéales, frôlait parfois la caricature et même les stéréotypes convenus, si bien que j’ai eu des difficultés à m’émouvoir et à m’identifier.… Mais cela était peut être à dessein ? L’élément perturbateur est annoncé avec lenteur et finalement peine à advenir … en revanche, une fois le problème lancé, j’ai été happée. En résumé, je dirais que j’ai lu ce livre comme une étude de cas passionnante. Je confirme, les romans d’Alice Ferney sont une valeur sûre !

Je n’ai pas tout de suite accroché à ce roman dont j’ai trouvé les ficelles au départ quelque peu grossières. Le propos s’affine progressivement et on se laisse happer, émouvoir par l’ innocence de Claire, proclamée dans le titre, et source de tous ses malheurs. La dernière page peut dérouter mais elle se garde des facilités et conserve l’émotion intacte.

Ou comment pourrir ou même détruire des vies par antipathie ou par amour !