Oblomov

Comment rester sourd à ce livre ? Comment ne pas aimer cette œuvre ? Comment vivre sans avoir lu Oblomov ? Gontcharov, auteur russe que l'on pourrait considéré, sans tort, comme mineur, nous offre un texte saisissant et plein d'esprit. Pas de doute, Oblomov a su me ravir, me parler, me faire rire tristement... À travers ce caractère de la paresse, de l'apathie, de la torpeur, bref de l'Oblomovtchina, l'auteur nous offre un panel de sensations incroyables, il nous transporte aisément dans la mécanique de l'existence et livre le lecteur face à lui-même, face à ses faiblesses. Et que dire sur la traduction ! Elle est rare ! rare par sa justesse ! Arthur Adamov, auteur lui-même, a brillamment traduit cette œuvre par des tournures heureuses, des expressions très naturelles et d'autres très poétiques. Attention, je crois, néanmoins, qu'il faille vous armer d'une certaine patience, apprendre à vous satisfaire d'un rien, pour venir à bout de ce roman où il ne se passe...rien. Alors oui, ce livre, c'est ça! C'est ça pour moi !

Voilà un personnage fort réjouissant de prime abord qui malgré son jeune âge, 34 ans, a décidé de vivre couché, passant de son lit au divan de son salon, d'où il reçoit, en robe de chambre et en pantoufles, des visiteurs venus faire une pause dans le tourbillon de la vie. Tour à tour ces derniers tentent de le convaincre, soit de partir en voyage, soit de se rendre dans le dernier salon où l'on cause mais c'est sans compter sur la détermination d'Oblomov à ne rien faire de ses journées car tout est vanité ici-bas et toute société humaine est hypocrite. Les dialogues sont savoureux et extrêmement drôles. Ce comique est renforcé par la présence de son valet, également procrastinateur devant l'éternel, qui est couché dans la pièce d'à côté, qui grogne quand on l'appelle et qui reporte sans cesse l'idée de faire le ménage de sorte que l'appartement est couvert de poussière et de toiles d'araignée. Seulement le problème c'est qu'à trop procrastiner, on ne s'occupe pas de ses affaires, on s'attire des ennuis, on doit renoncer à tous les rêves et on se fait escroquer... La grande force de ce roman vraiment génial est d'avoir créé un personnage qui est devenu un archétype aussi célèbre en Russie que l'est le bovarysme en France. Comme Flaubert, Gontcharov ne fait jamais la morale, il dépeint à la perfection un type de caractère, à nous d'en faire l'interprétation. Le début est vraiment comique, la fin complètement pathétique, c'est un chef d'œuvre !

Je sors de cette lecture bouleversé. La passion des sentiments si pure, si belle ; le tragique de notre héros insoutenable par moment ; les valeurs morales défendues ou trahies par la ribambelle de héros peuplant cette fresque géniale. On y retrouve des traces de Gogol et des Âmes Mortes. Mais le parti prit de Gontcharov est tout autre. Il ne s'agit pas de s'attarder sur la société russe, c'est une réflexion très profonde sur l'insoutenabilité de l'être. On ne sera donc pas étonnés que Levinas se soit attardé sur notre héros. Je vous invite à lire ce livre, le dévorer, rire et pleurer voire même vous interroger sur le sens de votre vie !

On a parfois envie de secouer un peu notre brave Oblomov et de lui dire d’arrêter de se fier à des personnages peu recommandables ! Sa philosophie est au départ intriguante et en fait peut- être pas si irréfléchie. Après tout, pourquoi se fatiguer ou se mettre dans l’inconfort, au final tout ça ne changera rien. Un personnage que j ai trouvé finalement assez attachant.

C’est ce que notre paresseux Oblomov nous apprend à travers son histoire. Son but dans la vie n’est pas de fonder une famille, d’occuper un poste haut placé ou encore de voyager, mais plutôt de passer chacune de ses journées de la même manière : être allongé sur son divan. Ce choix de style de vie est-il alors réellement un vice comme la société tente de nous le faire croire …?