SudOuest- 04/05/2021

Milan Kundera, l’insoutenable profondeur de l’exilé

Ariane Chemin part sur les traces de l’écrivain franco-tchèque, “disparu” volontaire depuis trente-sept ans. En ces termes cacophoniques, se taire est parfois la meilleure des résolutions. À l’heure du narcissisme des écrans, l’invisibilité peut être une arme. C’est sans doute nantie de ces réflexions préalables que la journaliste et auteure Ariane Chemin est partie sur les traces sur celui qui incarne le mieux, aujourd’hui en France, ces principes : l’écrivains franco-tchèque Milan Kundera. D’autres avant lui, Beckett, Blanchot, des Forêts, s’en sont déjà tenus à une même ligne de conduite, ne voulant non plus rien livrer de leurs “misérables petits tas de secrets”. Kundera, lui, s’y est peu à peu converti. Se promenant dans l’oeuvre, dans les archives (notamment de la police secrète tcécoslovaque), dans les rues de Brno, Prague, Rennes (où atterrit d’abord le romancier à son arrivée dans notre pays) et Paris, où sa haute silhouette a longtemps flâné vers le jardin du Luxembourg avant de se résoudre à une réclusion totale dans son appartement, Chemin chemine vers la vérité d’un homme qui ne l’aura vraiment trouvée que dans l’exil, les exils, intérieur comme extérieur. Un poids trop lourd Entretemps, on aura découvert combien celui qui ne se voulait qu’écrivain a dû, dès les années 1980, assumer le poids trop lourd, notamment en France, d’être pour toutes les raisons précipitées, un symbole. Tout au long de son enquête, si elle ne parvient pas à rentrer en contact avec son sujet, elle joue un jeu plaisant du chat et de la souris avec sa femme Vera, personnalité de grand caractère et qui a accompagné très fortement les grandes décisions qu’eut à prendre son mari. Revient alors entre autres, les riches heures du séminaire de Kundera sur le roman, tenu près de dix ans durant l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), qui eut une influence majeure sur les lettres et le monde intellectuel français à laquelle ne peut être vraiment comparée que celle, quinze ans avant, de Roland Barthes. Toute une histoire... Tant de secrets...

Diallo

Paris

831 jours