L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique

Eh bien eh bien, l'essai a le mérite de penser la production de l'art en tenant compte du contexte historique tout en pointant du doigt sa dimension politique ! L'industrialisation et la serialisation des œuvres, qui apparait avec la photographie et le cinéma, engendrent un paradoxe : d'un côté, elles servent le capitalisme en massifiant le marché de l'art, de l'autre, elles donnent aux masses un large accès à l'art, achevant presque la « Conquête de l'ubiquité » que Paul Valery voyait poindre dans son article de 1928. Bref, notre perception des œuvres artistiques est historique et politique, puisqu'elle dépend de la production technique : Benji distingue l'authenticité de l'art pictural qui a une valeur cultuelle (liée au culte) et l'art industriel qui porte une valeur d'exposition (liée à l'accessibilité) ! Ouf, à vos souhaits... 🤯

Il n’y a jamais de reproduction exacte d’un tableau. C’est un instant, une précision qui perdure sur une surface, quand la reproduction ne peut que dégrader l’original. La photographie n’est jamais que le rapprochement plus ou moins fidèle d’une composition. Incapable d’exactitude totale, elle double la réalité, le passé, dans une vue qu’elle seule a la capacité d’autant retransmettre. « L’appareil de cinéma est destiné à doter le public d’une nouvelle perception de la réalité. Comme le sport, le cinéma convertit les spectateurs en « experts » de la réalité » Les spectateurs se rendent experts par la quantité et la qualité de ce qu’ils auront regardé. L’expertise est faussé, ce n’est plus la connaissance propre mais l’habitude qui se fait juge. L’habitude, bien sûr, c’est la constance et la familiarité, elle parle des évidences avec simplicité, mais il y a déjà chez elle la prise de conscience, la découverte de phénomènes réguliers. La connaissance parle de plus loin, elle calque des régularités plus larges sur des particularités et observe donc dans le détail. L’image du passé est plus fidèle à la réalité par la caméra qu’elle ne le serait par la mémoire ou par l’imagination. Mais cette image n’a pas d’âme, ou plutôt, ne porte pas l’âme qui était présente, qui a vécu l’instant photographié, et le dédoublement du réel est rendu compte dans l’affirmation de la non-conformité de l’image avec le réel, ou dans la réunification du réel par l’acceptation de la photographie avec le fait observé.