Des larmes sous la pluie

En 2109 les répliquants (techo-humains ou androïdes conçus par les hommes pour effectuer certaines tâches) et les humains cohabitent dans un monde bouleversé par les prouesses technologiques mais aussi par le dérèglement climatique et par les guerres. Les repliquants naissent âgés de 25 ans avec une mémoire artificielle. Ils ressemblent à des humains, ressentent les mêmes sentiments et les mêmes émotions, vivent comme eux à ceci près qu'ils ne vivent que 10 ans et ont conscience de la date de leur mort. Bruna Husky, répliquante de combat reconvertie en détective privé se remet difficilement de la mort de son compagnon, Merlin, qui avait atteint sa date de "péremption". Elle va enquêter sur ces répliquante qui meurent dans des crises de démence meurtrière tandis que parallèlement, les Archives Centrales de la Terre qui rescencent l' Histoire de l'humanité sont modifiées pour attiser le racisme des humains envers les repliquants. Dans le même temps, Bruna s'interroge sur sa condition et sur sa mort programmée. Comment vivre quand on sait quand on va mourir ? Comment vivre avec les souvenirs d'une enfance qu'on n'a pas vécue inventée de toutes pièces par des mémoristes ? De quoi est faite notre "humanité" : de notre mémoire ? De nos rêves, de nos aspirations, de nos rencontres ? Beaucoup plus qu'un polar de science fiction ce livre (le premier que je lis de cette autrice espagnole) est une réflexion presque philosophique sur notre condition de mortel, sur le temps qui passe et sur ce que nous en faisons pour nous et pour les autres. Dans une ambiance sombre qui se réfère ouvertement à l'œuvre de Philip K Dick et à Blade Runner (le titre est extrait du monologue de Rutger Hauer dans les dernières minutes du film "tous ces moments se perdront dans l'oubli comme des larmes sous la pluie"), ce livre est une réussite totale dont la grande force est aussi de projeter dans cet univers futuriste, inventif et réaliste, les problématiques et les enjeux du monde d'aujourd'hui.