Rue des boutiques obscures

Ne se souvenir de rien, pas la moindre petite bride. La mémoire vacille, au point que l’histoire de tous ces hommes disparus pourrait être la sienne. Le corps a Paris et la tête ailleurs, c’est le parcours d’un homme en quête de sa propre histoire, prêt à affronter tous les regard pour être un jour reconnu...

Modiano dans ce livre nous propose une errance physique (dans Paris) et psychique (le protagoniste est amnésique). La question en palimpseste est : notre identité est elle intrinsèquement liée à nous, ou dépend elle de la mémoire ? L'être sans mémoire est il de fait sans identité ? Modiano se pose toutes ces questions sous fond de souffrance d'après guerre.

Qui pousse un certain Guy Roland, employé d'une agence de police privée que dirige un baron balte, à partir à la recherche d'un inconnu, disparu depuis longtemps ? Le besoin de se retrouver lui-même après des années d'amnésie. Ce roman met en scène la quête d'un amnésique. Les pistes s'ouvrent, se diluent, se referment en champ de points d'interrogation. Passages clandestins, pièges fumeux, fantômes interlopes, ombre de la guerre et de l'Occupation : la partition modianesque est en place et sa musique impalpable n'aura plus qu'à égrener ses notes têtues et inquiétantes dans une recherche qui probablement n'aura jamais de fin. Il y a comme une musique intérieure chez Modiano et l’on se laisse vite bercer par celle-ci. C’est un réel plaisir.

Tout Modiano est là, le style, le déplacement, le silence, ce qui reste en suspens. Un grand roman sur la quête d'identité, entre autres. Un très bon Goncourt, pour une fois.

Un homme est sur la piste de son passé, il est sorti d'une grave amnésie il y a quelques années et son identité est d'emprunt. Comme un Petit Poucet qui retrouve les cailloux déposés par d'autres, il remonte le fil d'une histoire qu'il espère être la sienne. Depuis ce labyrinthe, l'auteur semble nous interpeller : et si toutes les vies se valaient, si elles se ressemblaient toutes, comme si nous partagions un fond commun et universel, qui nous rapprocherait à nous faire semblables, nous permettrait de nous comprendre et de nous glisser dans la peau d'un autre, n'importe qui, avec la même habileté, parce que de toute manière aucune vie, et la notre en premier, ne nous va, nous ne sommes rien. Et ce jusqu'à ce que la mémoire nous revienne.