Cette chose étrange en moi : la vie, les aventures, les rêves du marchand de boza Mevlut Karatas et l'histoire de ses amis, et tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par les yeux de nombreux personnages

Un véritable récit de vie, une finesse d’écriture sans fioriture, une exactitude historique absolument remarquable. Un vrai plaisir, les 800 pages ne doivent en aucun cas effrayer. Mevlut, homme parfois niais, parfois candide, parfois valeureux nous entraîne dans sa vie - avec une ouverture du cœur et de l’esprit qui laisse sans voix.

Un joli pavé de 700 pages dont la poésie est entremêlée avec les bouleversements politiques et sociaux. M'a donné envie de lire d'autres livres de cet auteur.

Mevlut, le vendeur ambulant de boza, visage innocent d'Istanbul en pleine mutation, fait partie de ses personnages auxquels on s'attache sans aucune raison évidente dès les premières pages. Il incarne à la fois la lenteur, l'immobilisme, la naïveté exaspérante, parfois un peu le souvenir des anciennes coutumes patriarcales d'hier encore. Et pourtant, comment ne pas s'attacher à ce garçon qui ne semble jamais avoir quitté l'enfance, trompé par son cousin Süleyman sur l'objet même de son amour ? Animé par l'obsession de vouloir réussir sa vie, le récit de Mevlut commence néanmoins sur une trahison. Alors qu'il écrivit pendant tout son service militaire des lettres passionnées à la jeune cadette Samilha, la plus jolie des trois soeurs de la famille à laquelle se marie son autre cousin Korkut, il décide de l'enlever sans payer la dote, mais il repart par erreur à Istanbul avec la mauvaise soeur, celle qui n'a pas les mêmes yeux qui le hantent, Rahyla. S'ensuit pourtant une narration intime sur la vie de ce bozaci, racontant son arrivée des campagnes de l'Anatolie à Istanbul pour aider son père Mustafa dans la vente de yaourts, jusqu'à sa relation aux femmes, à la ville qui s'occidentalise au gré des coups d'État, et sa place dans ce pays qui se transforme malgré lui en 40 ans. Cet ouvrage est une merveilleuse photographie romanesque de la Turquie post-Atatürk, une plongée dans le quotidien miséreux des émigrés depuis la ruralité en quête de réussite sociale auprès de la ville des anciens sultans et finalement une leçon de sociologie orientale à travers les multiples points de vue narrés à la première personne, comme une confidence, par les proches du protagoniste principal. Un très beau moment passé en leur compagnie.

L'histoire très touchante d'un homme qui doit faire face aux nombreux aléas de la vie. Une leçon de sagesse. Je recommande vivement.