La trajectoire de l'aigle

Une dissection moderne et fantaisiste du sentiment amoureux. Un roman bourré d'autodérision, comme quoi on peut (faire) rire avec le coeur brisé ! une bouffée d'air frais.

Au même moment sortie du livre À son ombre de son compagnon Histoire d'une passion charnelle , banale à priori ,mais racontée avec un style nouveau, très moderne, et classique en même temps

Avec un humour sarcastique, l’auteure fait le récit d’une passion simple dans laquelle se perdre. Elle n’attendait que cela. Quelque chose comme, selon le mot de Céline, « le plus grand chagrin possible[ ... ]avant de mourir », soit dans son occurrence la plus fréquente, la passion amoureuse. Plutôt fatale, bien entendu. Adultère, sinon ce ne serait pas drôle ( et Dieu sait, comme le savent aussi ses lecteurs, combien peut être drôle« La trajectoire de l’aigle», le premier roman de Nolwenn Le Blevennec. Résumons l’affaire. « Boy meets girl », comme d’habitude. Elle est jeune encore, la trentaine, a deux enfants avec un homme plus âgé qu’elle, Igor, veuf pas vraiment joyeux, mais vif et avide de vivre encore sa vie et la leur. L’embrasement s’épuise Tout se passerait pour le mieux dans le meilleur des mondes conjugaux si cette jeune journaliste (l’auteure l’est aussi. .. ) dans un hebdomadaire subissant de plein fouet la crise de la presse, n’était victime d’un coup de foudre pour l’un de ses collègues, Joseph, lui, de la même génération et pareillement déjà en couple. La passion est immédiate entre eux, exclusive, charnelle, obsessionnelle et se nourrit de l’ordinaire de telles situations: mensonges, week-end volés, rencontres fortuites, grandes explications, petits secrets. Mais très vite, trop bien sûr, l’embrasement s’épuise, surtout du côté de l’amant, peu désireux de mettre son foyer en danger, ni sûrement de prendre lui-même le moindre véritable risque. Le sexe oui, le reste ( qui bien entendu le précède et le prolonge), non. La souffrance née de ces quelques mois sera intense pour celle devenue ” l’abandonnée » (bien sûr), et se prolongera bien au-delà « revenir à soi » des jours qu’elle croyait heureux. Le livre est alors finalement, tout autant que le récit d’une possession, celui d’une dépossession et des tentatives guère couronnées de succès de l’héroïne de « revenir à elle». Car ce qu’elle doit laisser, elle le pressent ; c’est aussi une part d’elle que l’histoire lui a révélée. Et ce, quels que soient les manques et travers et l’égoïsme narcissique de Joseph (parfaite tête à claques par ailleurs) dont elle n’ignore rien sans pouvoir s’empêcher de faire comme si ... Freud et compagnie Ce qu’il y a de plus emballant dans ce roman d’une « passion simple » ( que de fait, Annie Emaux aurait pu écrire), c’est la façon de Nolwenn Le Blevennec d’y mêler tout ce qui constitue notre et son quotidien, de l’attente de messages sur tel ou tel réseau social au recours « thérapeutique » vers la lecture, Freud donc, mais aussi Lawrence Durrell, Iris Murdoch ou Frédéric Berthet. Le tout plus que saupoudré d’un humour sarcastique qui n’épargne aucun de ses personnages, à commencer par sa narratrice. Cela s’appelle peut-être un chagrin. Cela s’appelle aussi l’élégance.