Rue des Pâquerettes

Sur la fin ...

Trois livres dont je n'avais jamais entendu parler, découverts chez ma maman cet été. Et pourtant Mehdi Charef ne m'était pas inconnu, et pour cause, c'est également le réalisateur de Thé au harem d'Archimède sorti et vu en 1985, césar du meilleur premier film. Ici, Mehdi Charef raconte avec tendresse et colère, entre espoir et désillusions, son arrivée en France d'Algérie en 1962, à l'âge de 10 ans, avec sa mère et ses frères et sœurs, pour rejoindre le père. Un récit à hauteur d'enfant pour dire l'exil et l'immigration, l'envers du décor des 30 glorieuses dont le bidonville du petit Nanterre au nom si bucolique est le premier théâtre, tandis que tout proche se construit le futur quartier d'affaires de La Défense. À travers le quotidien de sa famille dans le bidonville puis dans les préfabriqués d'une cité de transit et enfin dans une cité HLM, il décrit dans une langue directe, sans fioritures et sans jamais tomber dans le misérabilisme, le choc des cultures, les parents dépassés, l'identité qui s'efface avec la scolarité, la perte de la langue maternelle, des traditions, de la religion, les humiliations, la culpabilité, le sentiment de n'être d'ici, ni de là-bas. Le peu de considération, le mot est faible, qu'on a porté à ces gens qu'on avait fait venir pour reconstruire la France, qui quelques années plus tôt étaient citoyens français et qui d'un coup devenaient les bicots, les crouilles, les melons. L'intégration c'est une démarche réciproque, non ? Les 3 livres sont toutefois illuminés par la présence maternelle, pleine de joie de vivre, de courage, de fierté et d'énergie. Le destin de l'auteur est émaillé de rencontres bienveillantes et structurantes, avec l'instituteur qui le pousse à écrire ses ressentis (ça vous rappelle quelqu'un ?), la boulangère qui le gâte, la première amoureuse qui défie les regards de mépris. Très tôt, il trouve refuge dans le cinéma et les livres. Il se rêve différent. "Lire est un défi, écrire une résistance." Elle permet de faire de soi le héros. De dire qui on est, d'où on vient. Nous y voilà. Mehdi Charef est considéré comme l'un des premiers auteurs "beurs". Son témoignage permet de re-découvrir un pan de l'histoire de France maintenu soigneusement dans l'ombre, tombé dans l'oubli, et qui éclaire pourtant bien des choses.

💬 En quelques mots : Immigration / récit personnel / enfance / colonialisme / pauvreté Hiver 1962. Le jeune Medhi est arraché à son Algérie natale pour rejoindre son père en France. Très vite, les désillusions s’accumulent : une baraque branlante dans un bidonville pour maison, des apparences à maintenir, l’école de rattrapage pour apprendre la langue du colon, la pauvreté, le froid, et l’impossible retour au pays. Dans ce récit, l’auteur retrace son quotidien du haut de ses dix ans avec une simplicité émouvante. Récit d’enfance toute la honte, la misère, le souci se fait sentir, mais où la découverte, la volonté et la famille occupe également une place centrale.