Le pays blanc

Ce livre se joue sur une double temporalité. On est tout d'abord en 2022, Thomas est un artiste peintre à Paris. Il décide de partir pour la Pologne, pays d'où est originaire sa mère Dorothée, mais celle-ci reste très secrète sur son passé, et Thomas décide d'aller sur ses traces afin d'essayer de comprendre sa mère. Une fois arrivé à Cracovie, il ressent tout de suite un attachement pour ce pays et cette ville. Il arrive à se procurer l'acte de naissance de sa mère, qui s'appelle en fait Dorota. La surprise est double en lisant ce papier, puisqu'il découvre la mention "né enfant jumeau", sa mère a donc une soeur dont il n'a jamais entendu parler, et il découvre également que son grand-père était un artiste célèbre. Il lui ressemble d'ailleurs beaucoup. Il va donc partir sur la piste de ce grand-père et parcourir les lieux où il a vécu. Il va rencontrer également Micha, une jeune régisseuse de musée, qui est troublée par la ressemblance de Thomas avec le peintre.  Nous remontons le temps ensuite jusqu'en 1926, à Nowa Wies, à l'ouest de Varsovie. Nous y faisons la connaissance de deux soeurs jumelles, Helena et Bronislawa. Elles vivent pauvrement avec leur mère Leokadia. Broni est mariée à Andrzej, elle a trois enfants avec lui, mais son coeur est depuis toujours relié à Szymon. Malheureusement pour les amoureux, Szymon est juif et n'a donc pas pu se marier avec Broni. Mais qu'importe, pendant une absence prolongée de Andrzej, Broni et Szymon laissent leur amour prendre le pas sur le reste, et Broni se retrouve enceinte. Andrzej sait en rentrant que cet enfant ne peut être le sien, vu qu'il n'était pas là. Il ordonne à Broni de se séparer de cet enfant. Aniela nait entourée de Broni, sa mère, d'Helena et de Leokadia. Broni doit l'abandonner, et c'est Helena qui se sacrifie. Elle va partir, quitter son foyer, et emmener le bébé loin de sa mère et de sa vie, en jurant de ne jamais révéler les origines de l'enfant. Elle s'exile en France, où elle va déjà trouver refuge dans le Nord de la France, dans les mines, avant d'être employée par une famille parisienne d'origine polonaise.  Et c'est ainsi que j'ai suivi la vie d'Helena dans la France d'entre deux guerres, avec les conséquences que l'on connait sur le peuple polonais à cette époque, et qui aura une incidence sur les personnages de ce livre. L'autrice mélange habilement l'Histoire de ce pays et de son peuple avec celle de ses personnages. Elle a construit une véritable saga familiale où les femmes dominent par leur personnalité et leur vécu. Elle brosse le portrait de ces femmes si attachantes qui sont déchirées entre leur devoir familial et la vie qu'elles ont envie de mener. Elle parle avec beaucoup de justesse de ce leg que nous portons tous en nous de génération en génération. Les traumatismes vécus sont comme inscrits dans nos gènes et se renouvellent d'une génération à l'autre. C'en est d'ailleurs assez bluffant, de découvrir chez nos aïeux les mêmes accidents de la vie que nous avons vécus. Ce sera le cas dans ce livre avec l'histoire de Brioni et d'Helena qui se transmettra à leurs filles et petites-filles, un héritage psychologique et familial pas toujours évident à gérer. Surtout lorsque l'on n'a pas toutes les informations, que les secrets sont tus. Je me suis très vite attachée à tout ce petit monde. J'ai ressenti tout de suite beaucoup d'empathie vis-à-vis des deux soeurs, Helena et Brioni. J'avais envie de les aider, de les protéger. Ce qu'elles vivent est déchirant, se couper de toutes relations alors qu'elles ont un lien énorme du fait de leur gémellité, est quelque chose d'invivable. Et pourtant, c'est ce qu'elles doivent faire. J'ai trouvé ces femmes très courageuses, avec une force de caractère qui fait qu'elles semblent inatteignables alors qu'elles ont une immense sensibilité. L'autrice a construit de très beaux personnages, avec de belles personnalités, et ce, sur plusieurs générations. Je me suis attachée à chacun d'eux, avec toujours l'espoir qu'ils soient enfin réunis.  Suivre la vie de ces personnages a été pour moi très passionnant et complètement addictif. Le livre est en plus très bien construit. Le début est situé dans le présent avec Thomas, puis une grosse partie remonte dans le passé, pour revenir enfin au présent où tout le dénouement a lieu. J'ai profondément aimé cette construction, avec toutes ces ramifications cela a ainsi créé une sorte de suspense. J'avais tellement envie que tout le monde s'en sorte, que je n'avais jamais envie de quitter mon livre et je le retrouvais avec plaisir également.  Tout cela est porté par la très belle plume de Marjorie Tixier. La sensibilité, la précision et une grande poésie dans les descriptions font que la lecture est belle. Il est aussi beaucoup question d'art dans ce livre, je me suis amusé à aller voir sur le net les tableaux ou sculptures évoqués, et j'ai ainsi pu me rendre compte combien l'autrice les décrivait avec beaucoup de finesse. Il y a beaucoup de densité dans le récit, et cela donne beaucoup de rythme à la lecture. Je ne me suis pas ennuyée une seconde. L'autrice a aussi utilisé une narration double, à la première personne du singulier lorsqu'il s'agit du présent, et à la troisième personne pour le passé. Cela m'a permis de rentrer encore plus dans la peau des personnages et de ressentir les émotions avec encore plus d'intensité. Ce livre est un très beau coup de coeur. J'ai tout aimé, j'ai passé un excellent moment. J'ai eu beaucoup de mal à quitter les personnages, j'avais envie de rester avec eux, de les garder. Je suis admirative devant tout le travail qu'a dû faire l'autrice en amont pour être aussi précise dans les faits historiques, ou dans les descriptions des lieux et de la vie de la Pologne à cette époque. Je pense que je garderai en mémoire longtemps l'histoire de cette famille. Plus je m'approchais de la fin, et plus la lecture se faisait pressante pour savoir ce qui allait se résoudre ou pas. J'aurais aimé certaines choses, mais l'autrice en a décidé autrement, et c'est très bien comme ça.  Je ne peux que vous conseiller la lecture de ce roman et de partir à la rencontre de cette famille. C'est une ode à la liberté, à l'amour et à l'art.

Plonger dans les méandres du passé pour mieux comprendre qui l'on est aujourd'hui, voilà le fil rouge de ce roman puissant. À travers une fresque familiale qui s'étend sur quatre générations, de 1926 à 2022, l'auteure nous fait explorer les répercussions profondes des traumatismes hérités des ancêtres. Ce récit intime s'appuie sur le parcours de Thomas, un jeune peintre en mal d'inspiration, qui cherche à lever le voile sur ses racines polonaises, murées dans le silence de sa mère. Sa quête d'identité, lourde de questionnements, l'amènera à s'interroger sur sa place dans cet héritage familial.  Le monde de l'art, omniprésent dans le roman, devient un fil conducteur puissant. Comme un baume sur les blessures invisibles laissées par l'histoire, il joue le rôle de refuge et de réconciliation pour Thomas, mais aussi pour les générations précédentes. L'art n'est pas seulement un décor, il enrichit l'intrigue et transcende les douleurs transmises, atténuant les cicatrices du passé. Les personnages féminins sont remarquables. Ces femmes, fortes et courageuses, laissent une empreinte inoubliable. Helena et Bronislawa, jumelles inséparables malgré leurs différences, sont particulièrement marquantes, tout comme Aniela, fille illégitime de Bronislawa mais élevée par Helena. Leurs parcours, empreints de résilience, suscitent une émotion profonde et les rendent profondément attachantes. L'auteure parvient à tisser une intrigue subtile sous le signe de la gémellité, un thème qui résonne tout au long du récit. La construction du roman est d'une grande finesse, plus intime que dans les œuvres précédentes de l'auteure. Le jeu subtil des époques et des générations est savamment orchestré, renforcé par une écriture fluide et poétique. La plume de l'auteure se révèle percutante et sensible, jusqu’aux dernières pages où se tisse enfin le lien entre Thomas et tous les personnages. Avec une profondeur émouvante, Marjorie aborde des thèmes essentiels : l'amour sous toutes ses formes (l'amour choisi, la liberté d'aimer, ou encore celui qui impose des sacrifices au nom des racines), la quête identitaire et la transmission familiale. Ce roman m'a également permis de mieux comprendre l'histoire mouvementée de la Pologne (la domination autrichienne, l'occupation russe, les drames de la guerre, etc. La richesse des références historiques et culturelles, mêlée à la destinée des personnages, en fait un récit captivant que j'ai d'ailleurs recommandé à une amie d'origine polonaise. J'y ai retrouvé certains aspects de son propre héritage.  Enfin, un mot sur la couverture qui ajoute une dimension visuelle forte : ces couleurs représentent la pureté et la noblesse pour le blanc, le sang et la force pour le rouge, le drapeau de la Pologne. Après « Un autre bleu que le tien » et « L'encre rouge », ce « Pays blanc » semble boucler la boucle pour l'auteure française, d'origine polonaise par son père.  Une œuvre magistrale à découvrir absolument.

Jolie histoire sur plusieurs générations. Entre Pologne et France, on suit le destin de plusieurs personnages ayant tous un lien de sang. Malgré les secrets et le souhait d'occulter certains aspects de leurs vies, l'histoire se répète inlassablement.... Est ce le hasard, la destinée ou la faute du subconscient ?