Tableau final de l'amour

Place à l'Amour ! Le violent hein, le passionnel ; les poings dans la gueule, la bite à la main, la crasse des lendemains qui débordent d'envies de soumission à l'autre, la peinture qui s'étaléclate sur la toile comme une giclée de sangsperme après une bagarre ballet qui nous sublime autant que l'amant qu'on veut capturer (on ne le fait jamais car autrement, il devient laid). Pfiou. Pas besoin de regarder longtemps un tableau de Francis Bacon pour comprendre que la muse qui l'inspire n'est pas celle qui gazouille, ni celle bardée de lumière. Francis Bacon est un artiste torturé, ayant de réels daddy issues qui se matérialisent à la fois dans sa sexualité et donc dans sa créativité. Pas besoin donc de regarder longtemps un tableau de Francis Bacon pour comprendre que le livre de Larry Tremblay, nous laissera inévitablement sur le carreau, vidé de toute mièvrerie possible. Bon, je parle de Francis Bacon parce que, outre la photo qui illustre la couverture, ce roman raconte la relation passionnelle qu'il a entretenu avec George Dyer, un petit voyou londonien qui s'était introduit dans son atelier pour le détrousser, et qui finira la nuit dans les draps de Bacon (après lui avoir sacrément pété la gueule, par spontanéité virile et complètement choqué par la fulgurance de l'amour naissant entre les deux amants. J'ai suivi les ébats d'un couple violent avec toute l'avidité morbide à voir le Beau se détruire afin de mieux renaître, vers des contrées incompréhensibles, proches de la folie mentale (je vais bien je vous jure, enfin pas trop mais si en fait je crois que ça va). C'est magnifique, sérieusement je n'arrive pas à trouver d'autre sens taillé sur mesure pour qualifier cette courte biographie romancée, aussi dangereuse soit-elle. Dangereuse parce qu'on a beau se dire que Larry Tremblay s'inspire de la vie de l'artiste, le fait parler à travers la voix de Bacon et d'arriver à trouver des mots qui transpirent ce que l'on ressent à regarder les peintures de Bacon. C'est juste, grandiose. Dangereux quand même parce qu’on finit par s’emmêler les pinceaux entre fiction et réalité. Je sais pas si je tiens déjà mon coup de coeur de cette future rentrée littéraire, mais putain, quelle expérience. On verra ce que vous en penserez, moi je sais que c'est un grand oui, et en plus j'ai la furieuse envie de découvrir Michel Leiris (qui est mort le jour de mes 5 ans, si t'en as quelque chose à secouer).

C'est l'histoire d'un amour violent et violenté, projeté et jeté sur la toile. Celle de Francis Bacon et de George Dyer. Une histoire façonnée à partir d'éléments biographiques de leurs vies dont Larry Tremblay s'est emparé. Nous ignorons ce qui conduit un peintre à peindre ce qu'il peint. Larry Tremblay a osé l'impossible, prendre la place du peintre pour mettre en mots, comme autant de coups, le processus de création qui se confond à celui de l'amour final, indicible. 💔Pour une rentrée littéraire hors des sentiers rebattus des prix et récompenses.

Partir d'une anecdote cocasse pour toucher à la vérité crue de l'impératif de peindre, voilà ce qu'entreprend Larry Tremblay au moyen d'une écriture fulgurante qui traverse et transperce les pages. Il raconte au fil du récit - un peu décousu mais on s'en fiche - comment on peut être habité par un autre et comment le corps de cet autre habite toute l'œuvre que l'on bâtit. Percutant.