Les nuages. Las nubes

Première lecture que j'abandonne si près du but, à une cinquantaine de pages de la fin ! Soyez prévenus, ce livre est écrit en phrases à rallonge. Très longues et indigestes. À titre d'exemple, la plus longue que j'ai compté faisait 22 lignes... Très fatigant à lire ... Dommage !

Un note de l'auteur clôture cette édition superbe du Tripode. Saer y révèle deux informations dont j'aurais aimé avoir eu connaissance avant de m'attaquer à cette aride lecture. Que ce roman fait suite à un premier ouvrage, tout d'abord, ensuite que son intention est d'y traiter les trois thèmes du délire, de l'espace et du voyage. Les Nuages sont en effet un récit de voyage. Celui d'un psychiatre (Dr Real, le narrateur), deux guides, cinq fous, trois prostituées et quelques soldats de fortune, qui, en 1804, traversèrent la pampa pour rejoindre Buenos Aires depuis Santa Fe. Tout langage est délire, d'après Saer. Il appartient à la culture d'établir les frontières du raisonnable, séparant la norme de la folie. Et cette frontière se brouille toujours au gré de deux conditions que sont le temps et l'espace. Aussi, ce trajet périlleux en terre hostile et dans un climat inattendu agira comme un révélateur puissant du délire du psychiatre. Le point central de ce roman réside dans l'incarnation de ce message dans sa dimension formelle. Le style reflète en effet volontairement le propos en mettant en scène le langage/délire comme une pratique conceptuelle qui nie la réalité autant qu'elle la décrit ; ainsi, plus la langue se veut rationnelle, complète, précise, plus elle aliène et s'incarne elle-même. Plus elle se fait délire, plus la frontière entre norme et folie s'amenuise. Le récit de Real est donc volontairement noyé dans un style indirect et rapporté, où une précision médicale donne à ce rapport psychologique un ton désincarné, détaché et irréel. Real pêche par excès de réalisme. J'ai dû relire de nombreux paragraphes, comme je relisais des cours insipides à la fac, perdant le fil par manque d'accroche. Le style se caractérise par des logorrhées interminables faites de descriptions inutilement précises, de phrases à rallonge, à tiroirs, d'incises, de compléments circonstanciels, de digressions incessantes, qualificatifs innombrables... c'est assommant ! Et pourtant si rationnel. Alors, oui c'est évidemment volontaire, conceptuel, autotélique... de la littérature en acte. Mais cette intention (probablement desservie par une traduction nécessairement difficile) rend la lecture trop rébarbative et exigeante à mon goût. Par principe, je suis allé au bout du 'délire'. Quelques passages éclatants et contemplatifs émergent en fin de lecture. On échappe enfin au réel et à Real et enfin on accroche, un peu. Mais la teneur diégétique ne rattrape pas les lourdeurs formelles et ne révélera jamais de véritable intrigue... Bref, un voyage trop aride pour moi !