Le courage de la nuance

« Le courage de la nuance » - C’est pratiquement un aphorisme, tout est dans le titre ! Jean Birnbaum fait un constat lucide et amer d’une société du prêt à penser, où l’esprit critique est contraint de céder sa place à des discours gratuits, préfabriqués, polémistes, aux accents trop souvent stériles. Comment pouvoir dire, dans un esprit d’amitié et de sincérité, pour bâtir ? Ceci sans subir les foudres de ceux qui croient dire le vrai, et devoir vendre, à tout à chacun, un dogmatisme agressif ? L’idée n’est pas neuve, l’auteur convoque, à ses côtés, des hommes et des femmes qui lui sont chers ! Quelques plumes courageuses ont su naviguer dans des eaux, parfois troubles, pour faire entendre leurs nuances, porteuses de lumières.

En tant que bébé lecteur il m’était parfois compliqué de suivre les propos qui, faisant référence à des auteurs que je n’ai pas lu, pouvaient être assez abstraits. L’idée générale de la nuance est donc développée autour de ses auteurs et leurs œuvres majeures / leur positionnement (ou non) politique et dans le débat public. Livre intéressant donc, qui pousse la réflexion et donne envie de découvrir les œuvres de ces artistes prônant une nuance dans un monde manichéen (peut importe l’époque finalement)

Jean Birnbaum défend le retour salvateur du sens de la nuance dans le débat. Dans les débats publiques et médiatiques, dans les discussions entre amis ou en famille, la radicalisation des propos gagne chaque jour du terrain. Il faut absolument choisir son camp, les arguments sont de plus en plus manichéens : c’est devenu un combat et la possibilité d’émettre une position nuancée est considérée comme une faiblesse. Tout ce que dénonce Jean Birnbaum dans cet essai où il fait l’éloge de la nuance, qu’il considère comme “une hardiesse ordinaire” : “Dans le brouhaha des évidences, il n’y a pas plus radical que la nuance.” Les certitudes sont une injure à l’intelligence. Et Birnbaum de citer Albert Camus : “Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison.” Pour illustrer son propos, l’auteur a convoqué intellectuels et écrivains, “qui ont accepté de vivre dans la contradiction et préféré réfléchir que haïr”. Camus, mais aussi George Orwell, Hannah Arendt, Georges Bernanos, Germaine Tillion, Roland Barthes ou encore Raymond Aron, qui était “capable de discuter et d’aimer non seulement des gens avec lesquels il n’était pas d’accord, mais aussi des figures auxquelles tout l’opposait”. À méditer.