Cri de la chouette

Dernier volume de la trilogie des Rezeau initiée par Vipère au poing et La mort du petit cheval. Le ton est bien différent des deux autres. La haine s'est estompée même si l'affrontement n'est jamais loin. Mais, oh surprise, Folcoche deviendrait presque humaine dans ce roman, capable d'éprouver des sentiments et de réaliser des actions désintéressées. Mais en prenant sous son aile Salomé, avec un entêtement plus qu'insistant, elle va aussi semer le trouble et un début de division dans la famille unie qu'a construite son fils Jean. Même si la nature profonde de cette femme ne peut pas être gommée d'un coup de baguette magique, et que certaines saillies refont surface, on la découvre aussi sous un nouveau jour. Une femme complexe, entière mais aussi pleine de contradictions, avec ses failles. Hervé Bazin, avec sa plume acérée, conclut brillamment ce cycle en partie autobiographique. J'ai dévoré cette histoire puissante et tragique et ai pris autant de plaisir qu'avec les deux précédents opus.

Ce troisième livre de la saga Jean Rezeau est à mon sens son apothéose. J'ai tout aimé de ce dernier chapitre du récit. Le ton y est différent est pourtant il est selon moi le parachèvement parfait de l'histoire de ce gamin à l'enfance ratée qui devient un adulte et père accompli et réussi. Contre toute attente et malgré l'horreur du passé, Jean réussi a construire une vie de famille que j'ai trouvé remarquable de modernité notamment concernant l'éducation et le rapport aux enfants mais aussi le féminisme (l'ouvrage datant tout de même des années 70). Le tour de force réside dans ce que tout ceci se révèle au fil du livre qui reste avant tout une dernière tranche de l'histoire de Jean. Et on y découvre une Folcoche plus difficile à haïr, qui va apprendre au contact de la famille qu'à construit son fils, lui qui a réussi là où elle avait largement échoué et va ainsi, contre toute attente, s'adoucir aux côtés de Salomé. Des pérégrinations qui iront jusqu'à offrir à Jean, qui n'attend plus rien, une forme de rédemption, sans pardon. Ce récit est également pour moi une excellente illustration romanesque des rapports de classes, de l'évolution sociale horizontale et de la force, la réussite et la sérénité que peut tirer toute personne de la famille qu'il construit, indépendamment de celle qu'il n'a pas choisi. A lire et à faire lire, ces trois livres sont pour moi d'immenses classiques que je relirais avec plaisir.