La coupe d'or

D'abord une sidération par le style. Tout est affaire de méticulosité de la réflexion, et d'observation des gestes qui trahissent le climat intérieur d'un personnage. Allusives, les phrases prononcés tournent autour des sujets, les pronoms indéfinis contiennent tout ce qu'on ne veut pas dire. Ce sont les regards qui se chargent de discourir : quelqu'un rentre dans une pièce et tout est dit ; un silence se pose et tout est décidé. L'intrigue avance d'abord quand on a exploré l'entièreté d'un signe et ces myriades de possibles, qui forment le nuage dont James fait doucement tomber la pluie, goutte à goutte. C'est comme si la Coupe d'or, en apparence un objet insignifiant dans l'intrigue, avait cristallisé l'essence de l'adultère, péché figé dans la matière et scellé lors de la visite de Charlotte et Amerigo chez l'antiquaire. Le doute de Maggie, métaphysique et vague, s'incarne pour provoquer ce qui aurait dû être sa chute. C'est l'inverse qui se produit : splendidement et sans un mot, Maggie comprend, pardonne, sacrifie, souffre, et triomphe amèrement, tristement. Henry James, avec sa sensibilité inexprimable, aura sondé des âmes et des sentiments comme on l'a rarement vu.