La popularité de ce livre sur Gleeph
Résumé
Jacques Casanova, Vénitien, vécut en Europe dans le XVIIIe siècle. Le docteur Gall eût trouvé sur son crâne quelques-unes des bosses qui distinguaient le cerveau de l'empereur. L'activité, la vigueur, l'invention, l'intrépidité étaient ses éléments. Non seulement jamais il n'hésita, mais jamais il ne pensa qu'il pût hésiter. [...] D'ailleurs, sans dignité, aujourd'hui officier, demain séminariste, après-demain, joueur de violon, qu'aurait-il fait, s'il avait su résister à sa fantaisie ? Malgré tout, c'est le premier des aventuriers. Vouloir analyser son livre, ce serait vouloir analyser sa vie, et elle échappe au scalpel. Jamais un grain de raison, peu de religion, de conscience encore moins. Dupant les sots avec délices, trompant les femmes avec bonne foi ; un peu trop heureux au jeu, racontant divinement, promenant sur toute la terre ses caprices et sa folie, mais revenant toujours à sa chère Venise. Là, courant les filles en masque ; ici, se promenant gravement en abbé musqué dans les jardins du pape ; rimant pour une belle marquise, se battant pour une danseuse ; mousquetaire terrible (il avait près de six pieds), grand seigneur généreux et probe au milieu de tout cela. [...] Ce n'est pas qu'on ne trouve assurément par le monde des gravités poudrées à qui le nom de Casanova ferait hausser les épaules de cette manière qui signifie : «Bah ! un homme de rien !» Je ne conseillerai même pas à ceux qui ont du goût pour le sentimentalisme allemand d'ouvrir son livre ; c'est un homme du Midi. L'amour, cette plante que le soleil fait naître si différente suivant l'obliquité de ses rayons, prend un aspect étrange dans le cœur de notre aventurier. Alfred de Musset Le Temps, 20 mars 1831