La déesse des mouches à feu

J’ai adoré du début à la fin et les références aux endroits que je connais très bien m’ont bien fait sourire. ☺️

Chicoutimi-Nord, Québec, années 90. Sur fond de références littéraires, cinématographiques et musicales, on suit les premières expérimentations de Catherine, une ado de 14 ans, qui goûte à la Trinité ultime : sexe, drogues et rock'n roll 🤟🏻 Fascinée par Christiane F., Nirvana et les Guns, Catherine joue avec le feu, s'essaie aux paradis artificiels, tombe amoureuse, fait la fête, « trip » à toute heure de la journée. Encore et encore. Si l'histoire n'est pas vraiment originale, le style de l'autrice est remarquable : elle écrit en effet en saguenéen, un québécois typique de la région du Saguenay (nulle inquiétude pour les plus réticents, un glossaire se trouve à la fin du livre) que j'ai adoré (re)découvrir. La langue est crue, le style percutant, on n'y va pas par quatre chemins et ça fait du bien ! Si les thématiques abordées peuvent sembler sombres, le roman n'en est pas moins bourré d'humour.

Descente aux Enfers d’une gosse qui vient d’fêter ses 14 ans. Les premières phrases détonnent direct ; Catherine se bouffe son quotidien d’enfant unique dans une famille dysfonctionnelle. Les années 90, Kurt Cobain est le roi des gamins perdus, le grunge a cette faculté de creuser plus profond dans le malêtre d’ados de banlieue, qu’elle soit québécoise ou ailleurs. Ça permet aussi de découvrir les bases de punk, du rockab’ d’aller faire du skate dans le bois, de passer ses journées au grand centre commercial entre copines... C’est aussi le temps des premières galoches, des premières propositions d’héréo, des buvards qu’on prend comme des smarties, ça se bastonne souvent à l’école et perdre sa virginité c’est finalement aussi basique que de prendre un rail, même à 6h du mat sans avoir une bonne raison pour le faire. Pour son 14e anniversaire, la mère de Catherine lui offre Moi Christiane F. et c’est avec ce fantôme - qui fascine Catherine, comme j’avais été happé par les photos de Christiane prises au Sound avec Detlev à la même époque, qu’on plane sur les pages, qu’on fait défiler les mots écrits sur un ton neutre pour des situations qui amènent toujours un peu plus de défonce et de stupre. Tu t’en doutes, c’est complètement ma came, je pensais que j’avais perdu le goût mais faut croire que c’est comme le vélo ; les démons s’en vont jamais vraiment pour de bon. C’est le genre d’histoires que j’ai pu lire mille fois, que ce soit en France, en Irlande, en Écosse, aux USA, maintenant Québec. Mais ce qui m’a le plus séduit, c’est la langue petit. L’autrice déferle sa plume donnant un style plus que réaliste à tous les propos ; de la violence conjugale des parents jusqu’aux séances de cinéma horrorporn qui permet de placer les repères dans la vie de gosses déjà trop vieux pour devenir optimistes. J’ai adoré. Pour de mauvaises raisons mais faut être honnête, c’est bien bien succulent. Je peux pas le conseiller à tout le monde parce que c’est écrit dans un pur jus québécois, mais si t’as fait Xavier Dolan 2e langue après le lycée pendant une dizaine d’années tu devrais pouvoir t’en tirer haut la main et raccrocher à peu près tous les wagons là où il faut.

Il faut passer au travers ď'une langue française transformée par un argot adolescent et par les particularismes du "Québécois" pour se laisser conter l'histoire d'une jeune fille d'aujourd'hui, à un moment de sa vie où beaucoup de choses basculent. Une jeune fille tellement semblable, par ses préoccupations et par ses frasques, à ses contemporaines de ce côté-ci de l'Atlantique.