Mauvaises herbes

Dans ce premier roman de Dima Abdallah, nous lisons les échanges indirects entre le père et la fille, d'un chapitre à l'autre. Leurs vies se répondent, leurs difficultés se font miroir, leurs méthodes pour aller mieux également. Travailler sur la mémoire pour effacer ce qui doit l'être, analyser sa sensibilité, son peu d'attachement aux choses sont des pistes pour s'en sortir. Mais une guerre civile, cela laisse des traces. Au point de n'être nulle part chez soi. Les mots sont puissants, le style affirmé, la sensibilité du lecteur est titillée et je pense que ce délicat ensemble me restera en tête.

Pour un premier roman, c'est une réussite ! L'histoire d'un lien père fille entre Beyrouth et Paris. Une vie ballottée par la guerre, la peur et les déménagements. Certains passages sont très touchants et parfois assez poétiques. D'autres sont un peu confus. Les personnages du frère et de la mère, qui sont volontairement mis de côté, mériteraient de disparaître totalement ou d'être un peu plus détaillés. Mais le livre dans son ensemble est très beau. La voix de la petite fille au caractère bien forgé est très juste.

Ce roman autobiographique est un élan d’amour d’une fille et d’un père, chacun exprimant le besoin et le manque de l’autre, la séparation intervenue trop brutalement. L’ histoire commence en 1983, en pleine guerre du Liban, l’auteure a six ans. Elle est comme ces mauvaises herbes, ces adventices « dont on arrache sans relâche les racines parce qu’elles ne conviennent pas, parce qu’elles ont poussé au mauvais endroit, au mauvais moment, mais qui prolifèrent ailleurs. Celles qui s’épanouissent sur des substrats improbables, qui s’acharnent à vivre dans les milieux les plus hostiles ». Cette enfant n’a connu que le chaos, fuyant avec ses parents et son jeune frère des appartements bombardés, sa vie contenue dans des sacs plastiques jetés à la hâte dans le coffre de la voiture. Sa mère est un peu chrétienne, son père un peu musulman. Son quotidien, son repère, c’est la main de son Géant qui vient la chercher à l’école. Elle écrit des poèmes parce qu’elle n’arrive pas à pleurer et hurler et cultive des aromatiques en pot pour se souvenir des parfums. La peur est là, tapie, c’est une boule avec laquelle elle apprend à vivre. À l’âge de 12 ans, avec sa mère et son frère elle quitte le Liban et arrive à Paris…

La guerre, les bombardements, l'angoisse, l'oubli et... survivre malgré tout ! Une famille qui tente de survivre à Beyrouth. Un père et sa fille, qui tente de se comprendre à demi-mot. Chacun doit surmonter ses peurs et faire face, comme il peut. Un beau texte sur les non-dits, les peurs et l'exil.