APEIROGON

Savez-vous ce qu'est un apeirogon ? C'est un polygone au nombre infini mais dénombrable de côtés. Et Apeirogon en est un, justement. Un nombre infini mais dénombrable de côtés par lesquels le conflit israelo-palestinien sera abordé. Et si l'on trace une droite partant de chacun, toutes peuvent se rejoindre en son centre, puisque chaque point est atteignable. Au centre donc, le discours des pères. . Et autour, ce que vous prendrez pour des digressions mais qui n'en sont pas. Des chapitres comme des balles en caoutchouc avec lesquelles l'auteur vise d'abord le sol, pour leur permettre de rebondir et de venir, plus tard, vous percuter les genoux, le thorax. Abir, elle, a été touchée en pleine tête. Un matin, devant l'école. Elle avait 10 ans. Elle venait de s'acheter des bonbons. . Ne craignez pas la complexité de la forme. Elle se fera caverne pour accueillir l'écho des paragraphes qui alors feront sens et exploseront, vous soulevant de leur souffle. La tête restera intacte, ou presque. Comme celle de Smadar. Elle avait 13 ans. Elle marchait avec ses amies en écoutant Sinead O'Connor. À côté d'elle, trois kamikazes. Boum. . Boum. . Boum. . Sur le papier, bruit de la bombe. Le même que celui du cœur. Mais si l'une peut détruire l'autre, pourquoi l'inverse est-il si difficile ? Pourquoi ? Insupportable interrogation dont je n'ai pu me défaire tandis que je tournais les pages et écoutais ces pères. Que je passais les checkpoints. Tremblais. Essuyais leurs mots sur mes joues. Admirais la force de leurs propos, annihilant leur désir de vengeance au profit de celui de justice. De paix. . Et plus j'avançais, plus je voulais que d'autres les écoutent. Voilà pourquoi je vous écris. . Ecoutez-les, Rami et Bassam. . Lisez-le, Colum McCann. . Puis, souvenez-vous. D'Abir et de Smadar. Et de "Sivan et Ahuva. Dalia et Yamina.(...) Inaan et Ayala et Sharon et Talia et Rachida et Rachel et Nina et Mariam et (...)" . Apprenez. . Dites à votre tour. Parce que moi, je voudrais le faire, vous dire tout, vous parlez de leurs vies, d'Israël, de la Palestine, de la prison, de l'Occupation, des poètes, du soleil qui se couche, de celui qui se lève, des oiseaux, de la mer, de leurs mères, mais ce serait trop long et personne ne me lirait. Alors oui, lisez-les, eux, sous sa plume à lui.

Ce livre déroutant par sa forme, nous plonge dans l'ambiance particulière qui règne entre Israël et Palestine, entre Israéliens et Palestiniens et nous fait toucher du doigt la complexité de la situation.

Récit protéiforme à souhait, « Apeirogon » traite du conflit israélo-palestinien avec une force et une humanité qui me laissent sans voix. La première moitié du roman nous donne pléthore d’informations sur des sujets divers et variés. Ainsi, on en apprend plus sur les oiseaux migrateurs, mais aussi sur la passion de Mitterand pour les ortolans. La façon dont les ceintures à explosifs scindent le corps en deux et épargnent les pieds. Ou encore comment préparer un bon cocktail Molotov. Et puis, au milieu de tous ces chapitres, on entrevoit la vie de Rami et Bassam. Leur vie jusqu’au décès tragique de leurs filles respectives. Le premier est israélien, le second Palestinien. Après ces tragédies, ils auraient pu décider de se faire la guerre, auraient pu choisir de crier vengeance et d’alimenter encore et toujours cette guerre sans fin au Moyen-Orient. Pourtant, tous deux décident de s’allier pour la paix. Rami et Bassam existent réellement. Leurs deux filles aussi, existaient vraiment. Dans la deuxième partie de ce récit, ce sont leurs vies et leur combat qui nous est conté. Pour que peut-être, un jour, on entrevoit enfin la fin de ce conflit qui asphyxie ces deux peuples depuis des décennies. C’est puissant et poétique. Exigeant et envoûtant. Je l’ai lu comme une ode à la paix, comme un cri d’espoir. « Si vous divisez la mort par la vie, vous obtenez un cercle. » Un cercle, lui, a un nombre infini de côté. Apeirogon, n.m. : figure géométrique au nombre infini de côtés. Quand sera-t-il enfin possible de diviser la mort par la vie, entre Palestiniens et Israéliens ? Un roman à ne pas manquer. Une véritable déflagration dans mon cœur de lectrice.

J'aurais pu dire bien des choses après cette lecture, utiliser de nombreux qualificatifs : émouvant, éprouvant, édifiant, révoltant, époustouflant, bouleversant, ... ; ils auraient tous été amplement justifiés. Or, je ne dis rien de tout ça. Juste un mot : Merci! ... Non , je me corrige : 1001 Mercis Monsieur McCann!

Un roman qui retrace l’Histoire d’Israel et de la Palestine en mêlant fiction à réalité politique. Un style original qui m’a de suite plu : on navigue entre l’histoire de Bassan (palestinien) et Rami (israélien) et des faits historiques, politiques, culturels, scientifiques (vie des oiseaux migrateurs, création des bombes, intifadas). A l’origine, tout opposait ces deux amis : leur origine, leur religion, jusqu’à ce qu’ils se retrouvent dans un même combat, celui pour la paix. Un roman bouleversant qui nous en apprend beaucoup sur l’absurdité de certains combats.