Flic : chroniques de la police ordinaire : témoignage

"Flic" - Bénédicte Desforges Que voilà un singulier recueil, recueil du quotidien d'une jeune flic qui va gravir progressivement les échelons. De galon en galon, l'humain reste l'humain. Dans ces scènes abritées par la ville lumière, on tombe bien souvent des nues. Paris y est dépeinte, montrant ainsi que tous les milieux sociaux peuvent un jour avoir à faire avec la police. Certaines de ces histoires ne laissent pas indemne, je pense à l'une d'entre elles qui m'a beaucoup marquée et que je mettrai juste à la suite de ce retour de lecture. Bien sur l'aspect autobiographique / témoignage dans cet ouvrage heurte, car au travers des histoires des "autres" que nous livre l'auteure, c'est aussi une partie d'elle-même qu'elle dévoile. Comment réagir dans telle situation ? Et si j'étais restée ? Pourquoi je n'ai pas insisté ? La face cachée de cette profession essentielle à notre système. Un métier de tous les dangers. Vous ne verrez plus jamais les "flics" comme avant. ________________ "INFANTICIDE" Elle est assise dans le box des accusés, et elle affiche un petit sourire qui se veut ingénu. C'est vrai qu'elle ne s'est pas rendu compte disent les témoins à décharge. C'est une jeune femme bien... Elle a eu de la chance dans son malheur, un vice de procédure l'a remise dehors après un mois de préventive. Elle est donc arrivée libre à la cour d'assises, trois ans après les faits. Elle aimait sortir et s'amuser. Elle aimait s'habiller et séduire. Elle aimait les boîtes de nuit, les bars et les dons juans de banlieue. Comme elle aimait les expériences nouvelles, elle a voulu jouer à la maman et a fait un enfant. Elle ne se rappelle plus avec qui. Les photos de l'enfant circulent entre les mains des jurés. Il était sage, il était facile, dit-elle. Il ne pleurait pas, buvait son biberon jusqu'à la dernière goutte et s'endormait. Elle pouvait ainsi repartir au bowling du coin. Et puis, elle a pris l'habitude de ne pas toujours rentrer. Le pédiatre est appelé à la barre... « Je ne l'ai vu qu'une fois... C'est vrai que l'enfant était maigre, mais pas de problème de santé hormis un début d'anémie. Je lui ai prescrit des compléments minéraux et des vitamines. » Elle ne s'en rappelle pas et affirme qu'on lui a toujours appris qu'un enfant mange une fois par jour comme un chien. Elle a un chien, et il se porte bien. L'enfant n'avait pas besoin de plus, il dormait beaucoup et ne réclamait rien. D'ailleurs, il ne pleurait jamais. Elle allait tous les jours à son travail, rentrait, se changeait et sortait avec ses amis. Un ami est appelé à la barre... "Elle avait un enfant ?" Elle a fait connaissance d'un homme et a décidé de s'installer chez lui. Elle passait tous les jours nourrir le petit. C'était plus simple, à deux ans ça mange tout seul un enfant. Elle lui laissait des culottes pour qu'il se change tout seul aussi. L'homme est appelé à la barre... "Elle n'avait pas d'enfant." Et puis elle est passée tous les deux jours, tous les trois jours, toutes les semaines. Elle laissait la quantité de gâteaux en conséquence. Un voisin est appelé à la barre... "Elle avait un chat ? Non ? Ah parce que moi, j'ai bien entendu du bruit, mais il me semblait que c'était des miaulements." Et puis elle n'est plus passée du tout. On lui a coupé l'eau et l'électricité. Alors, elle a cessé de payer son loyer. Quand le commissaire est venu avec un huissier et un serrurier, il a trouvé trois ans de détritus dans l'appartement et une couverture souillée. L'enfant faisait ses besoins dans le même coin. Comme un chat. Et puis au pied du lit de la maman, ils ont trouvé un petit enfant, une petite momie qui pesait quatre kilos. Un tout petit cadavre qui n'avait jamais connu que sa mère. Douze ans ferme.