Téléréalité

En fin observateur du réel et de l’époque, Aurélien Bellanger s’attaque, dans “Téléréalité“, son cinquième roman, à la télévision quand elle bascula, au tournant du siècle, pour devenir l’arme cynisme et du voyeurisme. Il y a une logique ferme et ambitieuse chez Aurélien Bellanger. Premier livre, il y a dix ans, un essai sur Houellebecq. Comme une façon de prévenir sous quels auspices d’anthropologue du réel et de l’époque (même si moins naturellement satirique), allait se développer l’œuvre à venir. Puis, confirmation avec le premier roman, “La Théorie de l’information”, libre variation autour du destin de Xavier Niel. Suivront entre autres, “L’Aménagement du territoire”, “Le Grand Paris” et aujourd’hui “Téléréalité“, dont les titres seuls disent assez de quoi il est question. Si ce n’est ce que ce dernier est sans doute le plus réussi de tous, car sans renoncer à sa volonté de dire un monde plus que le monde, l’auteur y cède moins qu’avant à ce qui a trop souvent été péché mignon : une certaine forme de bavardage nuisant plus ou moins à l’efficacité narrative. Il exporte “Loft Story” De quoi est-il question ? Du destin d’un jeune provençal, Sébastien Bitereau, parti de rien et qui en une dizaine ou quinzaine d’années va devenir le roi de Paris. Il aimait les chiffres, il aimera les affaires et sera fasciné par les écrans de télévisions. Dès lors, la martingale gagnante se met en place. De rencontres en rencontres, Sébastien bâtit son empire en prenant bien soin de ne jamais apparaître lui-même dans la lumière. Son premier grand succès sera une émission dite de “talk-show” basée sur l’exploitation (comment dire autrement ?) des riches heures des archives de la télé. Mais la consécration lui viendra lorsqu’il comprendra confusément, comme d’une certaine façon Guy Debord l’avait prédit dans “La Société du spectacle” que ce qui compte est moins ce que le téléspectateur voit ou a vu ce que les petits écrans pourraient voir de nous, les invisibles. La téléréalité est née. Il l’exporte en France avec “Loft Story” et une page de la post-modernité se tourne. Un trio célèbre Bien sûr, Bellanger ne se prive pas de donner les identités réelles de nombre de ses personnages. Sauf celle de Sébastien, de son “mentor” Philippe et de son partenaire en affaires et animateur préféré, David. Qu’il nous soit permis de les révéler ici : il s’agit respectivement de Stéphane Courbit, de Frédéric Taddeï et d’Arthur. Trois hommes (surtout le premier, donc) qui ont changé le visage de la petite lucarne durant la fin du siècle dernier et à l’aube de celui-ci, préfigurant, en offrant à chacun son fameux “quart d’heure de célébrité warholien” ce qui aujourd’hui avec le grand déversoir immonde des réseaux sociaux est devenu la norme. Le romancier, dans une langue comme toujours très néoclassique, agrémentée çà et là de quelques considérations “philosophiques” ou au moins “éditorialisantes”, mène son affaire narrative avec une vrai maestria. Son moralisme n’en souffre pas, mais sa lecture en profite. La littérature, elle, en tant que recréation du monde par le style, n’est pas nécessairement au rendez-vous ; mais ce n’est pas l’objet ni le sujet (qui reste par ailleurs, passionnant).

De nombreuses références enrichissent ce récit initiatique. La fusion entre fiction et analyse est intrigante. Certains personnages pourraient néanmoins être approfondis.

J’ai été plongé dans l’historie de ce jeune Sebastien, un jeune plein d’ambition qui se laisse entraîner dans les rouages du succès, de la richesse .. et de la télé-réalité. L’auteur a su mélanger le fictif et le réel ce qui donne un récit très convaincant et très bien écrit. Je recommande ce livre.

Premier roman de l’auteur et je dois dire que je n’ai pas vraiment aimé. L’auteur retrace l’histoire et les soubassements de la naissance de la télévision. Les références sont nombreuses, les images aussi ; c’est tout un passé qui est convoqué chez le lecteur. Encore faut-il qu’il existe… Difficile de se situer dans un monde où les repères manquent… Face à cette archéologie de la télévision, les atouts de la fiction se cachent ; on peine à s’attacher au personnage principal, l’histoire ne décolle pas (un peu à la fin, peut-être). Ce dernier (le personnage), aux traits savamment tirés, est pris dans les aspirations d’une ambition sans fin, d’un monde sans limites. Et le lecteur aussi. Je reste sur ma faim avec ce livre dont les atouts sont la richesse historique et la description de l’envers de la télévision.

J’ai surtout trouvé le livre divertissant. Quand on voit se provincial (sans cesse renvoyé à sa condition), s’incorporer dans ce monde, on sent que Bellanger fait référence au lecteur qui ne connaît pas les arcanes du milieu de la télé. Avec ce narrateur omniscient, on est sans cesse dans une vision elliptique de la réalité. On a jamais vraiment de scènes dans le livre sauf vers la fin dans le studio. Sébastien est un personnage assez jouissif à suivre, c’est de lui du malin qui réussit. Celui que tout le monde souhaite être. Ainsi, dans ce livre assez concis j’ai trouvé un plaisir vraiment divertissant. Comme le précise l’auteur, le but n’est pas d’aller chercher des anecdotes ou la vie privée des personnalités. Plutôt très bien.