Mort d'une libraire

J'ai aimé ce thriller noir autant que je l'ai détesté. Dans la présentation d'Alice Slater, il est écrit qu'elle "aime les livres dans lesquels des personnages désagréables se font des choses désagréables" et je pense qu'elle a parfaitement réussi cet exploit dans l'écriture de son propre roman. Ce dernier se place à Londres en 2019, dans une librairie sur le déclin où travaille Roach, obsédée par le true crime et la noirceur humaine. Un trio est envoyé à la librairie pour tenter de faire monter les ventes à l'approche de Noël, et parmi eux se trouve Laura, libraire lumineuse et poétesse à ses heures perdues qui va attirer l'oeil de Roach. Entre ces deux femmes qui ne pourraient pas être plus différentes, une relation d'attirance pour l'une et de rejet pour l'autre va se dessiner et s'amplifier tout au long du récit. Il est difficile d'apprécier les personnages de cette histoire car aucun artifice n'est ajouté à leur vie, leurs traits de caractère négatifs sont laissés bien en vue, décortiqués jusqu'à leurs noyau même. C'est cependant cette frustration qui nous mène à tourner rapidement les pages, nous-mêmes pris dans un désir malsain de savoir ce qu'il va se passer ensuite. Le roman se veut une remise en question des fascinations autour du true crime (l'intérêt pour les faits réels et affaires criminelles) tout en nous plongeant dans une intrigue similaire et palpitante. Autre point que j'ai adoré, la façon de décrire la librairie et le métier de libraire est ici à contrepied des romans feel-good habituels. Les libraires n'ont pas l'air passionnés à quelques exceptions près, les aspects négatifs sont pointés du doigt, tout à l'air humide, désagréable et personne n'est content d'être ici. On est à l'opposé du pouvoir cathartique de la librairie, où tous les problèmes disparaissent habituellement, et j'ai trouvé cela très malin. En bref c'est un super coup de cœur, un roman hors du commun qui nous immerge complètement et nous fait ressentir dégoût, curiosité, émerveillement et agacement à la fois. C'était top.

Lorsque Laura arrive à la librairie Spines de Walthamstow, Roach sent immédiatement une connexion entre elles grâce à une passion qu’elle pense commune. Mais lorsque les masques tombent, c’est bien leur vraie nature qui va les pousser l’une et l’autre dans leur retranchement. Rien qu’avec son titre et sa couverture j’avais été séduite par ce thriller. Je peux désormais vous dire que j’ai été conquise par l’histoire! On alterne entre le point de vue de Roach - libraire solitaire, vivant en marge de la société avec son escargot de compagnie & passionnée par les serial killer - et celui de Laura - fraîchement débarquée à la librairie, au look soigné, au caractère sociable et avenant mais aussi avec un gros penchant pour l’alcool et des secrets ! -. Dès les premiers instants la fascination s’installe et s’effrite, laissant peu à peu place à la désillusion et au dégoût. J’ai vraiment apprécié l’originalité et la singularité de ce thriller ! (& pourtant vous le savez, j’en lis beaucoup!). Au fur et à mesure que l’histoire avance, la tension monte & l’ambiance s’envenime. La politesse de façade laisse place aux sarcasmes, aux jugements et aux conflits, qu’ils soient internes ou qu’ils aient lieu aux yeux de tous. J’ai tout de suite accroché au style d’Alice Slater : mordant, cynique, acéré lorsqu’il s’agit du monde qui l’entoure & cruellement réaliste. On visualise parfaitement les lieux, on est plongé dans l’univers de la littérature, on évolue dans l’intimité des personnages et on ressent tous leurs états d’âmes. Je terminerai cette chronique en vous avouant qu’Alice Slater aime les personnages désagréables qui font des choses désagréable… & personnellement : moi aussi ! Ce point commun nous mènera vers le même destin funeste ? Rdv en librairie pour le savoir 🐌

"J'ai tenté de masquer mon enthousiasme derrière un simple pouce levé, mais je frétillais déjà d'excitation. Tu m'étonnes que j'allais venir." Le flegme britannique, des grains de beauté, un brin de lavande, de la tragédie et de la poésie, des selfies joyeux, les Murder Girls, un mélange acide et brûlant, une odeur sucrée, une décharge électrique, un tote bag taché d'encre, les recoins sombres, un oiseau bleu tatoué, un frisson de plaisir, un champ de squelettes, le sens du détail, une enfance solitaire, des nuages d'un gris de cendres, les normies, un sourire timide, une répulsion instinctive, une obsession pour les affaires criminelles, des carnets remplis, une angoisse sourde, une nuance coquelicot, un mur couvert d'éraflures, la noirceur d'un univers, un gloussement nerveux, un état de sidération, une étincelle de provoc, un malaise indéfinissable, une énergie fébrile, la dream team, une lune crémeuse, une poupée Russe, l'amour de l'automne, des émotions confuses, une limace jaune pâle, le centre communautaire... Un "true" merci à Babelio, aux Éditions La croisée (la littérature en mouvement) pour ce roman passionné et fascinant. TU VAS FAIRE QUOI SI J'AI JAMAIS LU MORT D'UNE LIBRAIRE, LAURA ? PS : clin d'œil à la carte postale !

Premier roman de cette autrice londonienne, ancienne libraire et podcasteuse spécialiste de true crime. Alice Slater nous propose un roman psychologique noir, tordu et plein d'ironie. Je me suis plongée assez facilement dans ce roman en faisant la connaissance de Roach et de Laura. L'alternance de chapitres faisant la voix des personnages. Tour à tour, nous partageons leurs ressentis, leurs émotions et leurs interrogations. Petit à petit, le parasite porté par son obsession s'insinue et s'installe dès lors une ambiance suffocante monte crescendo et se met en place... L'autrice maîtrise son récit, jubile et distille son humour totalement décalé jusqu'au final surprenant. Un premier roman que j'ai aimé découvrir.

Une intrigue quotidienne qui, petit à petit, devient étrange avec une tension qui nous tient et nous captive jusqu’à la fin. Une fin grandiose et parfaite. Et les personnages sont si bien travaillés, si bien décrits, qu’ils paraissent presque réels. Un roman psychologique que je recommande sans hésiter.