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Résumé
À 10 ans, Roger Leroy vit comme une trahison l'arrivée dans sa vie de son demi-frère, Nicolas Lempereur. C'est le début d'une haine que rien ni personne ne saura apaiser. Bien des années plus tard, Roger, garde des Sceaux d'un gouvernement populiste, oeuvre à la réhabilitation de la peine de mort. Nicolas, lui, est une véritable rock star, pacifiste et contre toute forme de discrimination. Un fait divers impliquant un pédophile récidiviste rallie bientôt l'opinion publique à la cause du garde des Sceaux, et la peine de mort est rétablie. Mais quand Nicolas est accusé du meurtre d'une jeune femme et clame son innocence, la querelle fraternelle qui l'oppose à Roger devient alors un enjeu sociétal et moral. Ce qu'il nous faut de remords et d'espérance est la chronique annoncée d'une tragédie contemporaine ; un roman coup de poing, criant de vérité.
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- Laromeote- 11/08/2023Fait réfléchirCe livre est avant tout très bien écrit, chaque mot est réfléchit, pensé et pesé pour décrire des sentiments, des situations et des comportements. Certains passages sont réellement saisissants, effrayants tant ils décrivent une situation existante ou qui pourrait malheureusement exister (la scène de l'execution, les pensées du pédophile). Le sujet de la peine de mort pourrait revenir sur le devant de la scène par des extrémistes politiques. Mais, la guillotine, c'est quand même, très violent. Je pourrais reprocher à ce livre le manque d'action. Cette histoire est clairement psychologique, mais peu active.00
- Aude Bouquine- 14/11/2021Ce récit est brillant, magistral et exceptionnel.Roger a l’ambition qui raye le parquet. Nommé ministre, il a l’avidité de la réussite chevillée au corps : il se doit d’apporter sa pierre à l’édifice. Pour asseoir « son règne », il lui faut trouver un sujet à sa mesure, un sujet qui gardera une place particulière dans l’Histoire. Roger est un homme frustré depuis l’enfance, quand, le jour de ses 10 ans, son père qu’il voyait peu est revenu à la maison avec un cadeau un peu particulier : un frère de 5 ans plus jeune. En effet, le monsieur avait une double vie et son autre compagne, décédée, lui a laissé son fils qu’il décide de ramener dans le foyer familial. Ce frère imposé deviendra le réceptacle de toutes les jalousies, et de toutes les haines de Roger. Entre eux, il n’y aura jamais de relations fraternelles. Devenus adultes, Roger fera de la politique, Nicolas de la musique. Si un fossé familial les sépare, le fossé des idées sera plus profond encore. Ils n’ont rien en commun. Roger enfin nommé Garde des Sceaux ambitionne de remettre sur la table un débat clos depuis 1981, date où fut votée l’abolition de la peine de mort en France. Rouvrir ce dossier face aux nombreuses critiques sur des peines de justice incomprises et jugées « injustes » lui semble légitime, et même indispensable. « Il faudra qu’il accepte que ses rêves se transforment lentement en cauchemars éveillés, que ses partisans chantent ses louanges et que ses adversaires lui crachent à la gueule. Il faudra qu’il encaisse les erreurs de jugement, le sang dont on peindra ses mains, les fleurs de l’opinion publique et quelques affaires sanglantes pour l’appuyer, à l’heure où les réseaux sociaux sont devenus un prêt-à-penser, et qu’il suffit d’un meurtre aggravé pour retourner une opinion publique aussi friable qu’une feuille au milieu d’un ouragan. Il lui faudrait la mort d’une petite fille. » Il lui suffit d’attendre le bon moment, le bon fait divers qui apportera de l’eau à son moulin pour se lancer dans l’arène. La peine de mort est rétablie. Roger jubile. Jusqu’à ce que… son propre frère soit lui aussi accusé d’un meurtre qu’il jure ne pas avoir commis. « Ce qu’il nous faut de remords et d’espérance » pour décortiquer avec une certaine honnêteté intellectuelle les deux faces d’une même problématique : pour ou contre. Céline Lapertot engage le débat sans prosélytisme, mais en distillant tout le long du roman des faits qui changent la donne face à une position que l’on pensait immuable. À travers le vécu de certains de ses personnages, elle ajoute de petits grains de sable qui viennent enrayer la force des certitudes. Différents points de vue sont développés, du promeneur qui découvre un corps sans vie, jusqu’à l’opinion publique dans sa globalité, en passant par les politiques, les avocats, les collaborateurs, les condamnés. Elle creuse, elle dissèque, elle approfondit, elle fouille jusqu’à épuisement des argumentations. À juste titre, elle accorde à l’opinion publique une large part à ses propos, car c’est « la vindicte populaire et sa sensibilité rageuse à fleur de peau, prête à s’abattre comme un couperet. » qui accentue la confiance personnelle d’hommes tels que Roger. « (…) le peuple ne conçoit pas une mort discrète et humaine. Il veut être un acteur, le peuple, jusqu’au bout de l’achèvement d’un assassin. » Contrairement à l’injection létale pratiquée aux États-Unis, la guillotine est bien plus tape-à-l’œil, plus symbolique quand les têtes tombent dans la sciure du panier. Céline Lapertot aurait pu s’arrêter là. La peine de mort est rétablie. Le premier condamné est exécuté. Roger, fier de sa réforme congratule la force de ses propos associés à la « vox populi », et son acharnement qui ont amené cette loi. Sauf que… elle introduit dans le récit un nouveau questionnement « Quid, quand la condamnation à mort touche l’un des tiens ? », et que sous le microscope des journalistes, des politiques, des proches et du peuple, tu te dois d’appliquer la sentence sans ciller… Arthur Rimbaud rejoint le texte « Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles, la blanche Ophélia flotte comme un lys, flotte très lentement, couchée en ses longs voiles. » Le drame incandescent qui va brûler Roger de l’intérieur arrive par la poésie. Oui, elle fait ça aussi Céline Lapertot, elle glisse des métaphores poétiques dans son texte pour annoncer des cataclysmes. C’est d’une beauté sans nom…Va-t-elle s’arrêter là ? Bien sûr que non. À défaut de grain de sable, elle décide de lancer un nouveau caillou dans la mare, histoire de pousser encore un peu plus le curseur des réflexions, mais je vous laisse découvrir comment elle s’y prend. « Ce qu’il faut nous faut de remords et d’espérance » pousse le lecteur dans ses retranchements, mais le prend aussi à partie, l’oblige à choisir son camp en lui donnant toutes les cartes pour le faire. C’est fait avec une intelligence remarquable. La force de frappe de Céline Lapertot réside dans le choix minutieux des mots qu’elle emploie, dans la rythmique de son phrasé, dans les anaphores qui martèlent son propos. L’exploitation des phrases toutes faites, souvent imputées à l’opinion publique, « l’assassinat pour les assassins », « il n’y a pas de fumée sans feu », contrebalance des raisonnements plus développés des politiques, comme celui de Trump qui martelait « law and order », « Je veux de l’ordre ici ». Dans ce débat, pour ou contre la peine de mort, elle appose l’idée de la condamnation d’un coupable où la sentence est moralement plus acceptable à faire exécuter, à la condamnation d’un innocent et des conséquences morales avec lesquelles il faudra vivre. Autour de cette thématique, elle a choisi d’en développer d’autres : les relations fraternelles, l’amour maternel notamment, toujours à bon escient. Ils n’ont comme but que d’enrichir le débat. Rien n’est laissé au hasard, rien n’est superflu. Il n’y a pas de remplissage dans ce texte, seulement de l’essentiel et du tangible. Pour toutes ces raisons, et c’est pour moi indispensable à la lecture d’un roman, le lecteur se retrouve au cœur d’un tourbillon d’émotions. Je crois que je n’ai jamais ressenti autant d’émotions contradictoires dans un livre de 215 pages. Ces 215 pages sont d’une remarquable densité, d’une justesse inouïe, et démontrent, sans aucune contestation possible le talent d’écrivain de Céline Lapertot. Elle possède une analyse fine de la société et de ce qui s’y joue en ce moment. Elle observe ses contemporains et retranscrit à sa manière, des opinions percutantes. Elle a fait des choix narratifs parfaits en ne glissant jamais vers la facilité. « Ce qu’il nous faut de remords et d’espérance. » est un grand roman, un beau roman, un roman courageux, un roman sensible, un roman dont la fin vous arrache des sanglots. À votre tour d’entrer dans l’arène de celui qui condamne et de celui qui est condamné. Céline ne vous laissera pas beaucoup de repos, mais ce roman a au moins le mérite de vous confronter au débat et de vous pousser à la réflexion. Remarquable et exceptionnel récit !00
- Julien.Leclerc- 28/10/2021Le couperet moralCéline Lapertot ose regarder la part sombre des individus et de la société. Elle interroge toujours la position des uns et la possibilité de vivre ensemble. Pour capter les êtres, la romancière saisit les douleurs, les rancoeurs, les fragilités, tout ce qui détruit ou nourrit. Ainsi, les deux frères qu’elle met en scène dans son nouveau roman sont pleins de cette haine, le ministre la garde pour entretenir ses idées et l’autre la refoule pour voir le monde autrement. À l’image des tragédies antiques, l’autrice mêle l’intime et le collectif en concentrant son regard sur ce qui pourrit au sein de la famille. Loin d’être un roman policier, judiciaire ou social, ce livre est avant tout un texte haletant sur le politique, cette vie au sein de la polis, de la cité. Face aux faits divers et aux annonces, on voit la réaction de cette opinion publique, réunie et fortifiée par sa haine et sa soif de vengeance. L’autrice ne met jamais un point final au questionnement pour mieux faire ressortir le débat moral : faut-il croire en la vie ? Elle reste au plus près de ces personnages au pouvoir pour soupeser une vie. Céline Lapertot, dans la continuité de ses précédents romans, questionne les violences intimes qui ne s’éteignent jamais et submergent les êtres. Que ce soit Roger, ses conseillers ou son frère Nicolas, tous ces personnages nous sont décrits avec beaucoup de précision. On voit leur corps se mettre en action. Les romans de Céline Lapertot sont autant psychologiques que physiques. Les corps portent les têtes et les esprits, parfois en souffrent. Les émotions les emportent, les bousculent, les affaiblissent. Les corps deviennent alors les porteurs de tous les traumatismes, affichant au monde ce que les esprits voudraient cacher et dissimuler. L’autrice s’empare de tous les défauts inhérents à la politique et amplifiés par l’époque actuelle (le buzz, les raccourcis, la dissimulation, le retournement de veste…) pour parler avant tout de l’humain et ce réflexe (actuel ou non ?) de cacher sa vérité, sa sincérité. Ce roman est le parcours de profondes et lentes douleurs qui hantent, meurtrissent les corps, et en premier lieu, la société. Comment peut-on espérer sauver l’ensemble quand l’individu souffre autant et n’est pas entendu ? Céline Lapertot aiguise, de roman en roman, son regard sur la société, sur cet ensemble que nous pèse et nous porte. Son écriture, le rythme de ses mots si finement choisis, la force des images rappellent l’importance de l’écrit, contenant tous les espoirs. Ici, quand le corps prend le temps de soutenir l’esprit dans une cohérence salvatrice, alors l’être en sort grandi et la cohérence de l’un rejaillit sur l’ensemble, sur la polis, sur le politique.00
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