« Lorsqu’un gamin décide de devenir boxeur, et quand, quelque part, il se pointe dans une salle, sac à la main, il est comme un bloc de marbre tout droit sorti d’une carrière, un bloc de la taille d’un homme. Un tailleur de pierres peut voir beaucoup de choses dans le marbre brut, mais le sculpteur n’en voit qu’une. Pour lui, il n’y a pas deux blocs identiques, et ce qu’il voit, est ce que le bloc est destiné à devenir. Et c’est ainsi qu’est née la Victoire de Samothrace. […] Même le plus grand sculpteur au monde ne peut rien ajouter au marbre qu’il façonne. Si ce n’est pas là, ce n’est pas là. Personne n’y peut rien, personne ne crée, on se contente de gratter la matière pour en révéler la création. Et c’est comme ça que l’homme essaie de créer, et c’est ça qui fait peur aux plus grands. Ils sont les seuls à voir vraiment, et ça les effraie que dans leur travail de soustraction, ils ne soient pas capables de tout révéler, et que ce qui demeure caché le soit pour l’éternité. Mais ce qu’ils redoutent le plus encore, c’est le coup de trop, celui qui détruirait tout à jamais. C’est comme ça qu’on fabrique les choses, c’est comme ça qu’on fabrique un boxeur. »
Sous cette analogie pygmalienne se cache le récit d’une préparation. Celle du boxeur, Eddie Brown, façonné et rompu aux techniques de son entraîneur, Doc Carroll. Ce dernier après des années de métiers tient, semble-t-il, le boxeur capable de mettre en pratique sa science du Noble Art. Sous l’œil observateur du journaliste sportif, Frank Hughes. Le lecteur est amené à suivre l’entraînement de ce natif de New York, fils de plâtrier, époux et père de famille. Une chance pour le titre mondial des poids moyens qui survient après neuf années de carrière professionnelle. Le combat d’une vie qui peut tout changer pour lui et son entraîneur.
W.C. Heinz (journaliste sportif, chroniqueur, romancier) fait entrer le lecteur dans ce microcosme, à travers les yeux d'Hughes. Il va être le témoin privilégié de la préparation de Brown. Des séances de sparring avec d’anciens boxeurs déchus, de la pression d’avant combat sous le feu des projecteurs de la presse, et des parieurs qui donnent le challenger perdant face au champion en titre. Et surtout du lien étroit quasi-filial entre le boxeur et son entraîneur, qui n’est pas sans rappeler les liens réels qu’ont tissés de grands champions de la discipline avec leur entraîneur.
Des semaines de préparation qui vont se jouer en seulement une minute et quarante-huit secondes. Le temps suffisant pour que les dieux du sport décident si Eddie Brown est voué à la gloire ou à l’oubli.
Le professionnel
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