SudOuest- 07/09/2020

Un premier roman sensible et impeccable, portrait d’un duo mère-fils

La possibilité d’une île Pour lui, pour elle, il faudrait imaginer un horizon. Lui, c’est un enfant, Célian, une dizaine d’années. Précoce dit-on aujourd’hui dans ces odieux infra-langages qui sont no- tre quotidien. Surdoué, quoi. Ce qui n’est pas nécessairement la meilleure nouvelle possible. Elle, Mary, c’est sa mère ; en matière de sensibilité, elle n’a rien à revendre à son fils. La preuve, l’impossibilité qui est la sienne de se relever de sa dernière aventure amoureuse. Elle l’appelle « mon tigre », « mon garçon », il l’appelle « maman » ; ils sont seuls, trop souvent tristes et liés par un attachement indéfectible. Il leur faut trouver « une chambre à eux ». Ce sera loin. C’est mieux. Une île dans la mer Baltique. Pour quelques semaines, pour quelques mois, pour regagner le goût du ciel et des étoiles. Ven, une île scandinave rendue célèbre par l’astronome de la Renaissance Tycho Brahe, qui y fit construire le palais de ses rêves et y mena ses observations à mi-chemin dans le temps entre Copernic et Kepler. Les deux vont s’y retrouver (ô combien) entourés d’oiseaux, de mer et de la bienveillance d’hôtes qu’ils n’auraient pu imaginer attendre... Il y aura une femme qui les recueillera, un spécialiste de Shakes- peare qui les amènera de Brahe à Hamlet et un marin de retour au pays comme si- non un avenir, un infini présent amoureux possible. Bien sûr, « notre besoin de consolation est impossible à consoler », rien n’interdit toutefois de s’en éloigner, jusqu’à le perdre de vue. « L’Enfant céleste » est le premier roman de Maud Simonnot, éditrice de son état et auteure d’une biographie du trop oublié Robert McAlmon, qui fut plus que remarquée. Elle prend ici tous les risques jusqu’à celui d’une certaine forme de sensiblerie. Elle a raison. Elle s’en sort avec les honneurs au champ de la littérature. Sa frontalité sentimentale est celle d’une véritable écrivaine qui doit plus à Duras ou à la chanteuse Barbara qu’à n’importe lesquelles de ces fabricantes de « feel good books » qui encombrent les rayons des librairies et des meilleures ventes. Ce chant-là est de ceux qui viennent du cœur et de la plume. Impeccable.