Un récit glacial

Avec cette récente adaptation manga des Montagnes Hallucinées de Lovecraft par Gou Tanabe, on a enfin pu voir que l'étrange et horrifique univers de Cthulhu et compagnie était parfaitement adapté à d'autres médias que la nouvelle. L'histoire nous raconte le cheminement d'une expédition en Antarctique lors de laquelle William Dyer, un professeur à la fameuse université Miskatonic d'Arkham, a découvert d'anciennes ruines et un mystérieux secret tapis dans l'ombre quasi-illusoire d'une chaîne de montagnes plus haute que l'Himalaya. Tanabe est parvenu à donner forme au difforme, à rendre tangible l'illusion. Le stress et la folie des différents personnages est palpable et presque contagieux. Chaque émotion extrême se grave dans le visage des membres de l'expédition sous les yeux grandissants des lecteurs. Le tout accompagné bien sûr de dessins d'une précision et d'un détail rarement atteints en mangas (Berserk et Vagabond sont les deux seules grandes œuvres qui me reviennent en tête). Chaque case de ce tome (et du suivant) est un véritable plan digne des plus grands films d'horreur. Et la couverture en faux cuir, quel plaisir pour le bibliophile collectionneur ! Du coup, une seule question me vient à l'esprit à l'issue de la lecture de ces deux tomes : quand verrons-nous une bonne adaptation cinématographique de ce monde putride, informe et vaseux qu'est celui de Lovecraft ? Qu'est ce qui peut bien effrayer les scénaristes et réalisateurs de s'atteler à cette adaptation ? Cthulhu lui-même ? La folie potentiellement contagieuse de Lovecraft ? Les livres de ce dernier sont considérés comme des classiques de l'horreur (voire les plus grands classiques) et l'horreur elle-même est surexploitée dans l'industrie du cinéma. Alors P.O.U.R.Q.U.O.I ? Il y a pourtant tellement à faire avec le cosmicisme sur grand écran.