Voici un roman bien déroutant. Tant non pas par le sujet développé mais davantage par ce sentiment persistant et troublant qu’a laissé derrière lui ce personnage.
Très vite l’atmosphère se distille, insufflant cette oppression malsaine, peut-être nauséabonde, nous poussant à être le témoin involontaire et passif de cette vie délitée, macabre, douloureuse. Témoin de ses faux pas, de ses attentes idylliques, de ses névroses, de ce sentiment fort de persécution. Appartenir à quelqu’un ? Posséder quelqu’un ? Quelle place à l’amour dans ce schéma oppressif ? Est-il la somme des travers d’un père alcoolique et violent et d’une mère absente ?
Lui, Paul, est un homme commun qui a sombré depuis bien longtemps dans cette routine qui ne laisse plus la place à l’imprévu. Paul se sent certainement persécuté par cette société idéalisée dans cette beauté chérie et sommaire. Paul n’a pas de place. Il est l’homme sympa, peut être taciturne, délicat.
Elle, Angélique, a connu les déboires de l’amour. Cœur brisé, âme sensible, l’éternelle romantique, pulpeuse jusqu’au bout des ongles, elle croque la vie comme elle vient. Elle a appris à vivre avec le regard obséquieux des hommes. La convoitise, le désir, se sentir importante sont en quelque sorte ses piliers, ses protections.
Lui et Elle c’est une histoire qui s’enflamme et qui dérape. Virage serré, choc latéral, la vie d’Angélique part en vrille. L’isolement s’invite progressivement, la manipulation est rodée, la violence est l’ultime geste.
Elle a compris le mécanisme, elle a cerné le type, mais l’espoir même aussi mince qu’il soit, la pousse à croire à cet avenir meilleur, heureux.
Bénédicte Soymier signe un roman d’une puissance remarquable. J’ai vraiment été séduite par cette plume atypique qui joue avec les rythmes, les sons et la matière. Elle captive indéniablement et surtout instille cette part infime caractérisant ce personnage principal hors norme. Je suis sensible lorsque l’auteur développe le thème de l’amour toxique et de ses dérives. Est-ce que le roman de Bénédicte Soymier m’a touchée ? Certainement, même bien plus que je le soupçonne. Et malgré tout j’ai du mal à mettre mes mots sur ces maux. Indécise, mitigée, ne correspondent en rien à ce que je ressens. Je n’arrive pas à expliquer ce grand vide que j’éprouve quand je parle du roman, et ce n’est en rien négatif. C’est bien la première fois que je suis fasse à cela.
Un premier roman d’une qualité impressionnante.
Sentiment étrange
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