Je soupçonne Charles Dickens de planter des petites graines capitalistes, malgré une bienveillance certaine à vouloir réchauffer des coeurs en racontant « de belles histoires ». Ce qui diffère De Grandes espérances de bons nombres de romans initiatiques basés sur l’ascension sociale et la prospérité du personnage principal, est que la fortune de Pip ici se veut quasiment fortuite, ainsi, sa méritocratie n’est pas basée sur un privilège quelconque mais sur une chance qu’il provoque malgré lui, ou en tout cas sans en avoir conscience.
Ce faisant, Dickens instaure une sorte de règle karmique. Si tu commets une bonne action, celle-ci se revaudra plus tard. Mais au lieu de lui apporter une auréole de vertu et une protection divine, l’auteur met également en garde sur le salaire qu’il en coûte.
Pip n’a ni père ni mère, est élevé par sa soeur qui le bat et lui rabâche sans cesse à quel point elle préférerait qu’il soit aussi mort que ses parents et ses frères. Celle-ci est en conflit perpétuel avec son mari forgeron et méprise sa condition d’artisan populaire car elle aurait préféré vivre mieux. Malheureusement son statut social n’a pu lui offrir que cette vie là et elle est bien décidée à en faire payer le prix à son mari et son petit frère.
Pip est donc un enfant solitaire, heureusement protégé et aimé par son beau-frère qui lui servira pendant longtemps de modèle. Modeste, intelligent, un peu gauche mais tout autant doté d’une nature bonne, Joe prendra Pip comme apprenti forgeron jusqu’à ce que la chance de Pip lui permette d’accéder à un rang social plus élevé, grâce à un bienfaiteur mystérieux.
Gêné par la vie qu’il « risque » d’avoir Pip s’enfuit du foyer et va apprendre toutes les règles pour devenir le parfait gentleman londonien de ce milieu du XIXe siècle, non sans difficultés ni leçons de morales toujours justes et bienveillantes quant au mépris naissant une fois monté sur le radeau permettant de nous sortir de la hess' frère.
Il n’y aucun bon rôle pour les femmes dans ce roman. Elles sont soit manipulatrices, soit vengeresses, aigries, … Dickens est un auteur de son temps, certes (la caricature des juifs londoniens et des bohémiens qui y est faite en est encore une preuve), ça a eu pour effet de contraster avec l’espèce de bonhommie évidente qu’on colle au personnage, l’adaptation d’Un Chant de Noël (Scrooge ou encore Le Noël de Mickey par Disney) y est pour beaucoup en ce qui me concerne, je le voyais plutôt comme un témoin des conditions sociales de l’époque, défenseur de la veuve et de l’orphelin, mais je pense que devenir adulte c’est aussi se rendre compte des travers de ses héros. (bémol ma gueule tiavu ?)
Malgré tout, je suis d’accord avec Virgina Woolf quand elle dit que les roman de Dickens sont hypnotiques. Il nous calfeutre d’une naïveté et d’une volonté de faire le bien (qui a certes beaucoup évolué depuis 180 ans), il sait réchauffer et sait donner envie de sortir la plus belle part de nous-même.
Oh et c’est un super roman de Noël, mais sur ce point je pense que n’importe quel.le romancier.ère anglais.e victorien.ne en est capable (imagine mon vieux dans 100 ans y’aura des gens capables de sacraliser la new romance des années 2020, c’est dingo nan ?)
C’était merveilleux (mais avec des petits cheveux dans la soupe par moments, tombés du crâne de Monsieur Temps).
See ya !
Petit truc de dernière minute : Si le prénom Pip te dit quelque chose c'est maybe bicause Matt Stone et Trey Parker l'ont donné à un de leur personnage des premières saisons de South Park (le petit anglais bourgeois chiant qui meurt écrasé par MechaStreisand dans la saison 2).
Lou
De grandes espérances
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