Lou Knox- 06/03/2022

Les morts de Riverford

Quoi de mieux que de planter le décor d’un roman qui oscille entre roman noir et polar à quelques jours d’Halloween, dans une Nouvelle-Angleterre qui commence à fournir une importante mythologie en matière d’images et de symboles représentatifs d’une humanité en plein déclin ? Il y a quelque chose de la série Fargo dans la façon qu’a Todd Robinson d’amener ses personnages à se confronter, dotés d’un humour aussi cinglant que bon enfant, qu’on lui connait de ses deux romans précédents, des protagonistes un brin losers, pas mal aigris par les fantômes qui les hantent et l’absence d’espoir dans la topographie d’une telle région. On n’est certainement pas dans le Minnesota, mais ce Massachusetts en porte les mêmes scarifications, les mêmes amputations de dignité humaine où chacun fait ce qu’il peut pour tenter de survivre, toujours en vacillant sur une frontière manichéenne. Todd agrémente son histoire de quelques références cinématographiques mises en valeur par une culture populaire dans laquelle il baigne constamment. Mais, ce qui fait sa grande force, c’est la faculté de se placer en vrai sociologue sans jamais avoir la prétention de s’en vanter. Les personnages défoncés par l’économie américaine, celleux qui restent sur le carreaux en bouffant les derniers morceaux de verre, s’agrippant aux vestiges de leurs fantômes (deuils, ruptures, maladies), montrent à quel point Steinbeck reste présent, dans l’inconscience des ces auteurs profondément humains, sensibles et désirant insuffler quelques notes d’espoir pour les générations à venir en leur intimant de « tenir le coup ». Passe donc un aussi bon moment que j’ai pu le faire en lisant Les Morts de Riverford. C’est pas le polar du siècle, mais si t’as bouffé le Fargo sur Netflix avec autant d’excitation que j’ai pu le faire, tu vas te régaler, petite pomme.