Sebastien N- 04/05/2024

La sortie de l’année

Il n'a qu'a jeter un peu de viande au milieu de la foule hein. Ils finiront tous par s'entretuer pour surtout être sur d'en avoir pendant que le bienfaiteur regardera la scène en se goinfrant de foie gras. Car ce sont toujours les mêmes schémas. Les puissants n'ont pas vraiment besoin de développer une grande réthorique, il suffit juste de laisser infuser l'idée que l'espoir individuel est plus sûr et moins contraignant. Dans "Les ennemis du peuple", on est plongé dans cette guerre intra classe. Celle qui se mène entre ceux qui n'ont rien. Pour survivre et ne pas "avoir encore moins". En Italie ( mais au final, partout), la fermeture d'une usine entraine les divergences d'opinions. Faut-il accepter l'inéluctable et prendre ce qu'il reste ou tenter un ultime combat qui annihilera les chances d'avoir quelques miettes ? Les rancoeurs sont tenaces. Les espoirs vains. L'accueil de migrants dans la rue d'à coté soulève alors ce qu'il y a de pire. Car c'est bien la l'insidieuse force de l'extrême droite. Attiser la jalousie. Par ce qu'il est plus facile de croire que l'aide refusée aux ouvriers découle de celle apportée aux "étrangers". Et peu importe si leurs conditions sont encore plus misérables. Comme a son habitude, Vincenzo Bizzarri croque la violence sociale. La pire. Celle qui se retourne contre ceux qui en sont les premières victimes. Emiliano Pagani dresse froidement les désastreuses conséquences de la victoire idéologique du capitalisme. Sur les hommes, sur leurs valeurs, sur leurs réactions. C'est une bombe. Dans chaque planche le constat est rude, criant de vérité, déprimant de présages. Deux ans après les Assiégés (avec Nardella), c'est encore un immense album qui nous vient d'Italie. Dans la veine d'un Gipi ( cité d'ailleurs dans le livre). Quand l'art parle d'un contexte social et qu'il dénonce, il n'en est jamais aussi beau. A lire et relire d'urgence, comme celle de changer les choses, depuis le 2 mai chez Glenat. Sortie de l'année !